Critique

[À la télé ce soir] Heart of a Dog

Laurie Anderson © DR
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Laurie Anderson se penche sur la relation qu’elle entretient avec son chien, un fox-terrier nommé Lolabelle.

Tout commence par une scène étrange et surréaliste en dessin animé (de manière plutôt artistique et rudimentaire d’ailleurs) dans laquelle elle s’imagine accoucher d’un chien. D’une voix calme et rassurante, elle y explique, détails de couture à l’appui, comment elle a introduit la bête. Personnage sans doute aussi tordu que son Lou de mari, Laurie Anderson, veuve Reed, a toujours aimé mélanger récit autobiographique et pensée philosophique. C’est ce qu’elle fait ici dans ce film expérimental commissionné par Arte ayant pour fil rouge la relation fusionnelle qu’elle entretenait avec son fox-terrier. Prétexte à des divagations poétiques et à des ré-flexions fantasmagoriques sur l’amour, le langage, la mémoire, la vie et la mort.

Séquences d’animation, films en Super 8 de son enfance et vidéos retouchées se suivent et se fondent… Heart of a dog (oui, comme la nouvelle de Boulgakov) est un drôle d’objet cinématographique. Mais quoi de plus normal venant d’une créatrice inclassable qui aime toucher à la musique (qu’elle compose à partir du violon et d’instruments électroniques) autant qu’au 7e art, à la danse, aux arts plastiques et à la sculpture 3D.

Dans Heart of a dog, essai aussi bizarre que fascinant, Anderson (l’une des rares artistes à avoir travaillé en résidence à la Nasa) s’interroge sur les derniers mots qu’on prononce avant de mourir et ceux qu’on aurait aimé glisser à l’oreille de celui qui est parti. Nous imagine avec un second coeur pour remplacer le premier quand il lâche (on a bien des dents de rechange pour prendre la place de celles de lait). Et disserte sur la mort subite du nourrisson et son lien avec les rêves.

Derrière son caractère faussement trivial où toute réflexion semble débarquer par hasard mais trouve joliment sa place, Heart of a dog cache un autoportrait fragmenté dans lequel Anderson flirte avec la mort. La sienne en s’essayant à un saut périlleux qui la vit s’écraser sur le bord d’une piscine. Comme celle de ses deux frères qu’elle dut sauver en plongeant dans des eaux glacées alors qu’elle les promenait en poussette sur un lac gelé. Le bouddhisme tibétain, Wittgenstein et Kierkegaard s’invitent entre autres dans ce singulier poème audiovisuel. Déambulation douce et spectrale dans les pas d’une artiste visionnaire. « Toutes les histoires d’amour sont des histoires de fantômes », dit-elle, citant David Foster Wallace. Heart of ghost…

DOCUMENTAIRE DE LAURIE ANDERSON. ****

Ce lundi 24 octobre à 00h40 sur Arte.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content