Critique

[À la télé ce soir] Fortitude

Fortitude: un casting cinq étoiles pour résoudre un énigme aussi épaisse que la banquise arctique. © DR
Nicolas Bogaerts Journaliste

Sur l’archipel norvégien de Svalbard, au-delà du cercle polaire arctique, la bourgade de Fortitude, engourdie sous le froid et la monotonie apparente, vit dans l’effroi depuis la découverte de deux cadavres atrocement mutilés.

L’enquête que va mener l’inspecteur Eugene Morton, avec la collaboration réticente des autorités locales, fera émerger les fractures qui rongent la ville et ses habitants de l’intérieur. La série créée par Simon Donald en 2015 sur la chaîne anglaise Sky, semble démarrer selon un canevas désormais connu qui, de Twin Peaks à Broadchurch en passant par Fargo, a été tissé, décomposé et recomposé à maintes reprises. Soit un polar en vase clos qui s’applique, à coup d’images somptueuses et de musiques ad hoc (Ben Frost, Wildbirds & Peacedrums, Wolf Parade…) à nous faire ressentir ici les ambiances contemplatives, en apparence figées et tranquilles d’une île isolée de tout. L’enquête policière – et le mal mystérieux et concomitant d’un garçon – va tirer de son sommeil boréal tout ce petit monde qui entendait vivre au chaud et à carreau, et laisser émerger ce qu’il cachait de plus veule et flippant. Les premiers épisodes de Fortitude suivent un cahier des charges convenu mais lui donnent une double épaisseur narrative et symbolique. D’abord, une cartographie minutieuse des relations entre les protagonistes, d’où percent Stanley Tucci (élégant et acerbe détective Morton), Richard Dormer (shérif Dan Asserman, calviniste et libidineux), Sofie Gråbøl (l’ambitieuse gouverneure Odegard), Michael « Dumbledore » Gambon (Henry Tyson, vieillard rongé par le cancer et une crise de sincérité malvenue). Simon Donald multiplie ensuite les pistes, les chausse-trappes, et semble s’avancer vers une allégorie un peu grossière, mais diablement bien défendue: le pergélisol, qui emprisonne dans la glace permanente tout ce que la vie réserve de mémoires, fait écho à la chape de plomb qui recouvre les passions humaines dévorantes, les ambitions, les secrets. Quand il fond ou se craque, la noirceur, la mort font immanquablement surface. La question abyssale qui se pose alors à nous n’est pas tant « qui a tué », mais « parmi tout ce que nous tentons d’étouffer, qu’est-ce qui nous tue? » L’illusion de la blancheur clinique, fascisante, comme remède à notre besoin de contrôle sur les hommes et la nature, apparaît alors comme le plus sûr chemin vers notre perte.

SÉRIE CRÉÉE PAR SIMON DONALD. AVEC STANLEY TUCCI, MICHAEL GAMBON, SOFIE GRåBøL. ***(*)

Ce jeudi 19 janvier à 23h05 sur Arte.

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