Critique

[À la télé ce soir] Fela, une voix pour l’Afrique

Fela Kuti © DR
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Le récit incroyable d’un homme qui tournait pour l’argent, véhiculer son message et rencontrer de nouvelles filles

« Si tu es un révolutionnaire et que tu dis la vérité, des gens viennent et t’envoient au tapis. Si tu dis encore la vérité, ils te mettent en prison. Si tu es très fort et que tu parles encore, ils peuvent te tuer et même brûler ta maison. Comme ils ont brûlé la mienne. Ils te disent de te taire et je leur réponds qu’ils continueront de m’entendre tant qu’ils entendront. Car la vérité ne meurt jamais. » La scène est plutôt dingue. Fela, dans une combinaison moulante, classe et flamboyante, prêche. Préambule idéal à ce documentaire d’Alex Gibney qui lui brosse le portrait. Ce portrait, c’est celui d’un Nigérian qui a risqué sa peau tous les jours pour combattre l’oppression et la dictature. Celui d’un type, calomnié, diffamé, menacé de prison à chaque nouvel album. Et en même temps, sans doute, celui de la première grande figure de la contre-culture en Afrique subsaharienne.

Mère dans la lutte anticolonialiste, père qui a participé à l’élaboration du système éducatif anglophone en Afrique de l’Ouest. Fela est né le 15 octobre 1938 à Abeokuta dans une famille de notables, mais de notables engagés. Familiarisé au combat politique dès l’enfance, il est aussi surtout connu comme l’inventeur de l’afrobeat. Ce mélange de funk, de jazz et de rythmes traditionnels africains.

S’il a pour toile de fond les répétitions à Broadway de la comédie musicale Fela à laquelle a notamment participé le groupe Antibalas, Une voix pour l’Afrique a plutôt tendance à brasser large. On se promène du côté de sa boîte, l’Afrika Shrine, dans une arrière-cour de vieil hôtel à Lagos, et on entend Paul McCartney raconter sa visite. On découvre sa maison entourée de barbelés qu’il qualifie d’État indépendant, où il faisait lire des livres aux gosses et employait des centaines de gens. On écoute ses fils Sean et Femi. Le récit de sa rencontre avec les Black Panthers, sa lecture de Malcolm X, son mode de fonctionnement avec Tony Allen.

Afrika 70, Egypt 80… Le réalisateur oscarisé avec Un taxi pour l’enfer épingle son engagement pour la justice sociale et le changement, ses dix-huit mois de prison, le spiritualisme africain, son gourou le professeur Hindu ou encore son enterrement dans un cercueil de verre avec un gros spliff à la main… Le récit incroyable d’un homme qui tournait pour l’argent, véhiculer son message et rencontrer de nouvelles filles.

DOCUMENTAIRE D’ALEX GIBNEY. ****

Ce dimanche 4 septembre à 00h30 sur Arte.

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