Critique

[À la télé ce soir] Entrée du personnel et Les Vacances de Monsieur Hulot

© DR
Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Une soirée, deux propositions de qualité: le documentaire sanglant de Manuela Frésil et le grand classique de Jacques Tati.

Entrée du personnel

DOCUMENTAIRE DE MANUELA FRÉSIL. ****(*)

Ce lundi 24 avril à 00h00 sur Arte.

Serge parle de son premier jour à l’abattoir et des « cadences des tueries »: « Si ça avait été moins rapide, je pense que j’aurais eu le temps de digérer la première vache avant de voir la deuxième se faire abattre. » Marie, maillon d’une chaîne humaine de dépeçage, mime la répétition d’un même mouvement: « Une fois qu’on a appris le geste, on est comme des machines. » Philosophe et cinéaste, Manuela Frésil s’interroge sur le rapport à la mort chez les ouvriers des abattoirs industriels dans ce puissant documentaire récompensé par le Grand prix du Festival International de Cinéma de Marseille en 2011 et le Prix du public au Festival Filmer le travail de Poitiers en 2012. Le moyen métrage bénéficie d’une nouvelle diffusion qui s’avère aussi bénéfique et nécessaire qu’émotionnellement éprouvante. La caméra suit le personnel sur les chaînes de découpage ou d’emballage de bidoche et de volaille. Pour éviter toutes représailles, elle filme peu de témoignages directs: des comédiens en voix off ou en saynètes donnent vie aux mots sortis du silence. À la dureté physique du travail -la plupart finissent leur vie professionnelle usés, bien avant l’âge de la retraite-, aux craintes de délocalisation et aux douleurs psychiques, fait écho la tuerie des animaux, aseptisée et rationnalisée. Manuela Frésil compose des images qui racontent mieux que n’importe quelle caméra cachée, et avec quelques respirations de poésie légère qui rendent le tout plus digeste, cet équarissage des dignités humaines et animales au nom du profit et du pouvoir d’achat. Dans ce taylorisme paroxystique qui voit le salut dans l’augmentation des cadences, les ouvriers perdent leur âme aussi sûrement que les bêtes perdent leur vie. Dans la souffrance et le sang. Et finalement, qui sont les bêtes? (N.B.)

Les Vacances de Monsieur Hulot

COMÉDIE DE JACQUES TATI. AVEC JACQUES TATI, NATHALIE PASCAUD, MICHÈLE ROLLA. 1953. *****

Ce lundi 24 avril à 20h50 sur France 5.

Faisant fi de tout académisme, annonçant à sa manière la Nouvelle Vague et offrant surtout une merveille de comédie poétique décalée, Jacques Tati signe son premier chef-d’oeuvre en 1953 (le second sera Mon oncle, réalisé 5 ans plus tard). Le réalisateur incarne lui-même et pour la première fois son personne fétiche de Monsieur Hulot. Avec son petit chapeau, sa pipe et sa longue silhouette vêtue d’un imperméable, l’homme affiche un comportement paisible mais maladroit, comme par inadaptation à la société, dans la meilleure tradition des burlesques américains du muet. Tati mime autant qu’il joue, dans un film qu’il situe sur une plage (près de Saint-Nazaire) durant un bel été. Nous suivons Hulot et ses mésaventures toujours drôles et pleines d’une poésie, d’un émerveillement face à ces petits riens qui tissent le présent, cette fabrique à souvenirs. Un film à voir et à revoir sans jamais en épuiser les trésors. (L.D.)

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content