Critique

[À la télé ce soir] El Sicario: Room 164

El Sicario: Room 164 © DR
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Un tueur à gages au service des cartels mexicains revient dans un huis-clos oppressant sur les moments décisifs de sa vie, ses crimes et son désir de rédemption.

« Le rôle d’un sicario est d’en finir avec la vie d’une personne sur-le-champ. Que ce soit par balle, coup de couteau ou coup tout court. Propre et net de manière à ce qu’il ne sente presque rien. Le sicario est discret. A une famille, des amis. Vit au milieu des gens. Il parle bien. A une bonne éducation. Sait s’habiller. Le narco a misé sur lui depuis qu’il est petit et l’a payé. » Une kitchenette, un minisalon, une salle de bains. On est dans une chambre de motel banale, la 164, à la frontière américano-mexicaine. Un homme se voile la tête, se couvre le visage et raconte. Sicario de Juarez, la ville la plus violente au monde, il est déjà passé par là. Il y a même torturé un type pendant trois jours avant que le chef ne l’appelle pour se le faire livrer… Il ne sait pas ce qui a pu lui arriver après. Il ne s’est jamais soucié de ce qu’il advenait de ses colis. Souvent, ses prisonniers étaient tués, même quand ils s’étaient enfin décidés à payer. Bienvenue dans le monde sans frontières des narcotrafiquants. Un monde où l’on peut tout acheter et où tout, donc, est forcément possible.

« Je ne savais pas conduire. En une journée, ils m’avaient appris. Je n’avais pas passé le permis. En une demi-heure, je l’avais… » Le tueur à gages qui a torturé, kidnappé et tué plus d’une centaine de personnes raconte vingt ans de sa vie. Vingt ans au service du narcotrafic. Il explique les meurtres et les douleurs infligées. Les magouilles aussi. Lui qui travaillait à la fois pour les cartels mexicains de la drogue et comme flic à Chihuahua. Corrompait déjà les vigiles de l’école de police avec 100 dollars et 1 gramme de coke.

Austère dans sa forme, un mec encagoulé qui cause sans arrêt face caméra et griffonne quelques dessins pour illustrer son propos quand il ne rejoue pas, glaçant, certaines scènes de triste mémoire, El Sicario: Room 164 est inspiré d’un article de Charles Bowden, The Sicario, publié le 28 avril 2009 dans le mensuel américain Harper’s Magazine. Moins trash (on a quand même droit aux traîtres plongés dans de l’eau bouillante) que le papier de Bowden (qui a participé à l’écriture du film), le documentaire de Gianfranco Rosi n’en est pas moins un face-à-face fascinant et terrifiant. Promenade dans les coulisses d’une organisation criminelle que notre « héros » a fuie pour se consacrer à Dieu. Au moment où son témoignage est recueilli, le sicaire anonyme n’a jamais été inculpé de crime mais a un contrat de 250 000 dollars sur sa tête et vit en cavale. Poursuivi par ses anciens patrons. Flippant.

DOCUMENTAIRE DE GIANFRANCO ROSI ET CHARLES BOWDEN. ****

Ce lundi 3 octobre à 00h10 sur Arte.

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