Critique

[À la télé ce soir] Dans l’oeil de Buñuel

Luis Buñuel sur le tournage de Robinson Crusoé en 1954 © D.R./Collection Christophe L
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Réalisateur subversif et libertaire pour qui le mal était inhérent à la nature humaine, Luis Buñuel n’a pas juste marqué l’histoire du cinéma de son empreinte. Il en a révolutionné dès son premier film les règles narratives.

« Un cinéaste doit chaque jour tuer son père, violer sa mère et trahir sa patrie », déclara-t-il un jour. Réalisateur subversif et libertaire pour qui le mal était inhérent à la nature humaine, Luis Buñuel n’a pas juste marqué l’histoire du cinéma de son empreinte. Il en a révolutionné dès son premier film les règles narratives. Brisant en même temps les frontières entre rêve et réalité. Né le 22 février 1900, élevé en Aragon dans une famille très catholique et éduqué dans un collège jésuite, mais malgré tout convaincu de son propre athéisme, Buñuel a laissé derrière lui une oeuvre hantée par la religion, la cruauté, le fétichisme, l’érotisme et la bourgeoisie. Sa rencontre avec García Lorca et Dalí (ils formeront un trio inséparable). Ses relations avec les surréalistes et le Mexique, son pays d’adoption. Mais aussi sa licence en philo, son titre de champion de boxe amateur et son horreur de parler de la psychologie des personnages. Le documentaire de François Lévy-Kuentz brosse le portrait d’un génie délirant du septième art.

Il faut l’entendre raconter les origines et les préceptes du Chien andalou qui bouscule les moeurs et le bon goût. Exprimer son refus de toute image qui pouvait avoir une explication rationnelle… « On ne parlait jamais du cinéma à la maison », dit son fils, Juan Luis, entre une interview de Carlos Saura et du scénariste Jean-Claude Carrière. Michel Piccoli revient sur ses manières très élégantes, mais très autoritaires de diriger un film au milieu d’entretiens avec Catherine Deneuve et Buñuel lui-même. Archevêques défenestrés, oeil incisé, évêques à l’état de squelettes, cul-de-jatte dépouillé par des gamins… Il y a tout ça dans l’oeuvre incomparable du cinéaste espagnol. Un cinéaste qui ne se sent plus, à une époque, fait pour améliorer le monde, mais pour le dénoncer…

Et ce, même si certains l’accusent de dénigrer son pays en en montrant ce qu’il y a de pire. « Je ne cherche pas à embellir les images. Si l’image est jolie, c’est son affaire », estimait-il, lui qui disparut en 1983, six ans après son dernier long métrage (L’Obscur Objet du désir). Juste avant le docu Dans l’oeil de Buñuel, Arte diffuse à 20 h 55 son film Belle de jour, récit sulfureux d’une riche épouse qui se livre à la prostitution occasionnelle. Bonne soirée buñuelienne à tous…

DOCUMENTAIRE DE FRANÇOIS LÉVY-KUENTZ.

Ce mercredi 30/3 à 22h30 sur Arte.

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