Critique

[À la télé ce soir] Claude Lanzmann, porte-parole de la Shoah

Pour Shoah, Claude Lanzmann a pisté les témoins à même de raconter la mort dans les chambres à gaz. © Adam Benzine
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Diffusé à l’occasion du 71e anniversaire de la libération d’Auschwitz, Claude Lanzmann, porte-parole de la Shoah revient avec son réalisateur sur la confection du film Shoah.

« Ce n’est pas un film sur la survie. Pas un film sur les survivants. C’est un film sur la mort. Personne n’est jamais revenu vivant d’une chambre à gaz. » Il y a un petit peu plus de trente ans, le 30 avril 1985, Claude Lanzmann sortait Shoah. Oeuvre monumentale (elle dure plus de dix heures) sur l’extermination des Juifs d’Europe, ce film de recréation fut une entreprise titanesque nécessitant pas moins de douze ans de travail. Diffusé à l’occasion du 71e anniversaire de la libération d’Auschwitz, Claude Lanzmann, porte-parole de la Shoah revient avec son réalisateur sur sa confection.

« Claude peut être brusque. Il peut être arrogant. Agressif. Mais citez-moi un intellectuel français qui ne le soit pas », avance le professeur Stuart Liebman en guise de préambule. « Claude était mon ami mais il ne l’est plus. C’est un mégalomane, enchaîne le documentariste Marcel Ophüls. Je ne suis pas sûr que Shoah soit un chef-d’oeuvre sur le plan cinématographique, mais c’est un chef-d’oeuvre en termes de tempérament. Il a fallu énormément de travail et de cran pour faire ce film. »

Lanzmann, alors journaliste, est contacté au début des années 70 par son ami Alouf Hareven, directeur de département au ministère des Affaires étrangères israélien. « Je voudrais que quelqu’un fasse un film non pas sur la Shoah mais un film qui soit la Shoah, lui dit-il. La Shoah vue par nos yeux à nous. Avec un regard juif. »« Jamais je ne l’aurais imaginé moi, avoue Lanzmann. D’ailleurs, je n’y connaissais rien. »

Après une nuit de déambulation dans Paris, le Français renonce à toutes les prudences et à toutes les routines, et commence à bosser sur ce qui restera l’oeuvre de sa vie en 1973, à l’âge de 47 ans. Lanzmann, qui a de son propre aveu eu mille raisons d’abandonner ce film, y perdra la tête. Tournant plus de 200 heures de prises de vue dans quatorze pays différents. Pourquoi Shoah ne contient pratiquement aucune image d’archives? Comment a-t-il fait pour retrouver ses interlocuteurs et les convaincre de parler? Le documentaire d’Adam Benzine le retrace. Lanzmann y raconte Abraham Bomba, qui coupait les cheveux des femmes à Treblinka et qu’il débusque en arpentant les salons de coiffure du Bronx. Evoque la traque, dangereuse, des criminels nazis qu’il a dû payer et berner. Mais effleure aussi son amitié avec Sartre et le soutien de Simone de Beauvoir. En une heure, Benzine éclaire la création d’un chef-d’oeuvre. Une guerre contre tout et tout le monde. De bout en bout passionnant.

DOCUMENTAIRE D’ADAM BENZINE.

Ce mercredi 27 janvier à 22h40 sur Arte.

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