Critique

À la télé ce soir: Cinema Perverso

Cinema Perverso © Schill/Lunabeach
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Cinema Perverso, le merveilleux monde perdu des cinémas de gare est une plongée dans cette curiosité culturelle typiquement allemande.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’heure est à la reconstruction. Et c’est aussi le cas forcément en Allemagne. Particularité historique, sociétale et architecturale. Lors de la rénovation des grandes gares du pays, la compagnie des chemins de fer teutonne aménage des salles de cinéma où les voyageurs peuvent passer le temps entre deux trains. Si, au départ, la programmation est réservée à l’actualité, l’apparition de la télévision dans les foyers les amène sur le terrain de la série Z. Des films de science-fiction bricolés, du kung-fu, du gore, de l’érotisme, voire du porno. Les Orgies macabres, Cannibal Holocaust, Furie au Missouri, L’Empire des fourmis géantes…, Sexe sous le feu des projecteurs, Nuits chaudes et nylons noirs, Faster, Pussycat! Kill! Kill! (Russ Meyer)… Version fast-food du cinéma, ces salles obscures au bord des rails deviennent rapidement le repaire des amateurs de films de genre. Les projections ne s’arrêtent jamais pour que les voyageurs puissent rentrer et sortir quand ils le désirent. Eventuellement voir le début de ces chefs-d’oeuvre après en avoir regardé la fin…

Cinema Perverso, le merveilleux monde perdu des cinémas de gare est une plongée dans cette curiosité culturelle typiquement allemande. Les sièges et les rangées assez espacées pour qu’on puisse circuler, les pendules à côté de l’écran, le public informé des retards et correspondances… Oliver Schwehm et ses interlocuteurs (distributeurs de films, acteurs, réalisateurs, spectateurs…) racontent un lieu d’évasion pas cher pour la jeunesse, les scènes additionnelles tournées à Bielefeld pour que les films aient le bon format, les copies épouvantablement rayées et pleines de défauts (forcément vu qu’elles tournent en continu), la Bruceploitation et les films de karaté avec des sosies de mister Lee comme les SDF qui finissent par aller au ciné pour se tenir au chaud. L’apparition de la VHS a précipité leur mort mais Lynch et Cronenberg ne seraient pas, nous dit-on, sans ce cinéma d’arrière-cour. Gare à vous…

DOCUMENTAIRE D’OLIVER SCHWEHM.

Ce samedi 31 octobre à 22h35 sur Arte.

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