Critique

[À la télé ce soir] Celui qui sait saura qui je suis

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Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Très personnel, particulièrement singulier et fort habilement mené, une passionnante réflexion sur le métier de documentariste et plus généralement de journaliste.

En mars 2011, alors qu’elle présente en Ukraine un film sur l’épilepsie de son fils, Sarah Moon Howe rencontre un homme qui a été traité pour cette même maladie en psychiatrie. Andrii Fedosov est un défenseur des droits humains et plus spécifiquement de ceux des handicapés. Il veut lui montrer. Il dénonce les conditions effroyables d’internement des patients, les dossiers trafiqués pour voler leurs biens, puis aussi les mauvais traitements. La documentariste se laisse embarquer par ce jeune homme intelligent et charismatique. Elle commence à tourner, veut tirer le portrait de ce garçon, par ailleurs traqué, qu’elle aide à obtenir, en France, le statut de réfugié politique. Plus vraiment en accord avec son mystérieux sujet, la Belge finit cependant par abandonner le projet.

Tout aurait pu et sans doute même dû s’arrêter là. Mais trois ans plus tard, Sarah Moon apprend la mort du garçon et se met à investiguer. Comme d’autres, elle se pose de nombreuses questions. Qui était vraiment Andrii Fedosov? Que lui est-il arrivé? L’a-t-on liquidé? S’est-il suicidé? Est-il seulement à l’intérieur de ce cercueil? Sur le mode de l’enquête policière, la réalisatrice raconte un homme énigmatique au passé trouble. Un Ukrainien sans fric et généreux, à qui l’argent brûle les doigts. Un personnage insaisissable dont on ne comprend pas vraiment les motivations. Abandonné par ses parents et élevé par sa grand-mère. Par ailleurs homosexuel dans un pays qui est tout sauf gay-friendly…

Très personnel, particulièrement singulier et fort habilement mené, Celui qui sait saura qui je suis n’est pas qu’un portrait haletant et nébuleux brossé en mode détective privé façon Searching for Sugar Man (sans la musique de Sixto Rodriguez). C’est aussi une passionnante réflexion sur le métier de documentariste et plus généralement de journaliste. Sur la véracité des faits et la manipulation dont les médias sont parfois victimes. L’étrange relation qui peut s’établir entre un réalisateur et l’objet de son travail. « Suis-je responsable de ce qui lui est arrivé? » « J’étais prête à faire beaucoup de choses pour Andrii. Mais est-ce que j’en aurais fait autant pour lui sans la caméra?« Les questions restent parfois sans réponse et l’on se prend à méditer sur le prologue de ce passionnant documentaire. L’imagination est peut-être, en effet, dans bien des cas, la seule arme contre la -parfois très dure- réalité…

Documentaire de Sarah Moon Howe. ****

Ce jeudi 17 août à 21h05 sur La Trois.

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