Critique

[À la télé ce soir] Ashbal: Les Lionceaux du califat

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Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Ce documentaire est une succession de témoignages hallucinants et bouleversants. Le récit de jeunes garçons qui ont voulu commencer une nouvelle vie, fuir la guerre et Daech.

« Là-haut, tu retrouveras tes parents et tu auras tout ce que tu désires. Ils nous disaient qu’on aurait même de l’argent pour se faire exploser. Et qu’au paradis, on aurait des jouets, des voitures et des ordinateurs. Tout ce qu’on voudrait, Dieu nous le donnerait. » Moussa et Youssef ont douze et neuf ans. Ils vivent en Turquie mais avant ça ont dû échapper aux mains de Daech. Tout en dessinant par terre, le crayon à la main, comme tous les mioches de leur âge, les deux frères racontent l’horreur. Les 100 à 150 jeunes, agés de six à dix ans, avec eux en camp d’entraînement. Les séances de décapitation dont ils furent témoins. La ceinture d’explosif qu’on leur a appris à faire fonctionner au cas où ils se feraient arrêter sur une terre de mécréants. « Depuis le début de la guerre en Syrie, en 2011, tous les groupes armés ont massivement recours à des enfants pour combattre. Dans ses camps d’entraînement, l’État islamique forme une nouvelle génération d’enfants soldats pour perpétuer son idéologie extrémiste. En Syrie et dans le monde entier », cadrent Thomas Dandois et François-Xavier Tregan en guise de préambule à leur remarquable et glaçant documentaire.

Après un film sur les déserteurs de Daech (Daech, paroles de déserteurs), le tandem s’est cette fois intéressé à tous ces enfants utilisés comme de la chair à canon et à la mécanique horriblement bien huilée dont ils sont les victimes: les rues qu’on vide des adultes en faisant régner la terreur, l’argent de poche, les promenades, les lavages de cerveau… Puis, les fusils qu’on leur met en main une fois la mosquée fermée. Parfois, on leur a même montré où ils devraient se faire sauter. Visages cachés, voix trafiquées (on pense au dispositif d’El Sicario Room 164 dans lequel le tueur repenti d’un cartel narcotrafiquant mexicain racontait ses méfaits)… Ashbal, Les Lionceaux du califat est une succession de témoignages hallucinants et bouleversants. Le récit de jeunes garçons (ils ont entre 4 et 16 ans) qui ont voulu commencer une nouvelle vie, fuir la guerre et Daech. Et celui d’adultes qui évoquent l’endoctrinement. On passe par la Grèce, la Turquie, l’Allemagne… L’un était chargé de sécuriser un secteur. De nettoyer une région. D’égorger ceux qui appartenaient à l’autre camp et de mettre le feu aux magasins d’alcool. L’autre est un ancien professeur de l’EI et parle du cursus, de la propagande, de la drogue, des chansons stimulantes et des camps pleins à craquer. Ashbal, c’est le coeur qui devient noir. Le frère qu’on fait emprisonner et qu’on torture. L’enfant qu’on ne peut, ni pour lui ni pour nous, abandonner… Un docu coup de poing sans images choc.

Documentaire de Thomas Dandois et François-Xavier Tregan. ****

Ce mardi 27 juin à 21h50 sur Arte.

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