Critique

[À la télé ce soir] 8m² de solitude

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Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Un docu immanquable au coeur d’une soirée américaine qui tirera le portrait à Donald Trump la veille de son investiture et dressera un état des lieux du fonctionnement des médias de masse.

« La détention à l’isolement pour moi, dit Randall, c’est la solitude extrême et l’ennui. La solitude surtout. On a beau être un gros dur, se la jouer Bruce Lee toute la journée, on en bave. Ça fait atrocement mal. » Au point que Quincy, lui, a l’impression d’avoir été enterré vivant. Bienvenue à la prison d’État de Red Onion ouverte en 1998 dans le comté de Wise, en Virginie, au coeur des Appalaches. Red Onion est ce qu’on appelle une supermax. Une prison de très haute sécurité. Le concept découle de la philosophie appliquée au pénitencier fédéral de Marion dans l’Illinois, en 1983, après que deux gardiens furent tués le même jour par des détenus dans des incidents différents. Les supermax (elles sont une soixantaine dans le pays) prônent l’isolement total des prisonniers avec le reste du monde carcéral. À Red Onion, on reste 23 heures par jour, sept jours sur sept, dans des cellules de 2 mètres 50 sur 3 où certains (sur)vivent depuis huit ans et d’autres passeront toute leur existence. Quand tout va bien, on peut aller prendre l’air dans des cages à l’extérieur. Échanger quelques mots à travers les barreaux sur le chemin de la douche. Et éventuellement parler à son voisin par le conduit d’aération. Ces conditions mentalement inhumaines sont infligées suite à des infrac-tions au règlement qui vont du manquement à la discipline aux tentatives d’évasion, en passant par des agressions physiques.

La réalisatrice Kristi Jacobson (Toots, A Place at the Table) a obtenu l’autorisation exceptionnelle de filmer dans ce bâtiment ultra moderne et réputé inviolable, mais aussi de s’entretenir avec son directeur, son personnel et surtout ses dangereux, malheureux et insaisissables pensionnaires. Ils racontent leur enfance et leurs crimes, partagent leurs sentiments et leurs états d’âme. L’un explique comment il se retrouve à purger 1214 années incompressibles. L’autre reconnaît qu’il piquait des crises, jetait ses excréments sur les gardiens et autres détenus juste pour pouvoir se battre avec l’équipe d’extraction. La monotonie du quotidien, les gestes robotiques du personnel, les yeux flous, les regards fous… 8m² de solitude est une plongée sobre, dure et léchée dans un monde carcéral vidé de tout contact humain. Un docu immanquable au coeur d’une soirée américaine qui tirera le portrait à Donald Trump la veille de son investiture et dressera un état des lieux du fonctionnement des médias de masse.

DOCUMENTAIRE DE KRISTI JACOBSON. ****

Ce mardi 17 janvier à 22h50 sur Arte.

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