Critique

À la télé ce mercredi soir: Niki de Saint Phalle: qui est le monstre, toi ou moi?

La plasticienne, peintre, sculptrice et réalisatrice de films française, Niki de Saint Phalle © Schamoni Film/Peter Schamoni
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Le passionnant documentaire biographique de Peter Schamoni est à la fois le portrait d’une terroriste de l’art et une totale immersion dans son oeuvre qu’elle commente en voix-off.

Elle tirait sur tous les hommes. Les petits, les gros. Son père, son frère… Sur son école, sa famille, sa mère, sur elle-même. « Je tirais parce que ça me faisait du bien. J’adorais voir les tableaux saigner. Puis mourir. » Mondialement connue aujourd’hui pour ses oeuvres au fusil –« j’étais accrochée à la carabine comme on peut l’être à l’héroïne »-, Niki de Saint Phalle amena durant les années 60 le combat féministe dans le monde de l’art. Née en 1930 à Neuilly-sur-Seine, mannequin, puis mère de famille, Catherine Marie-Agnès Fal de Saint Phalle, surnommée Niki par sa génitrice et… violée par son père à l’âge de onze ans, n’a cessé d’explorer ses démons et a révolutionné la place de la femme dans l’art du XXe siècle.

De son propre aveu, les hommes de sa vie ont été ses muses. Les souffrances qu’ils lui ont infligées et sa vengeance ont nourri son art pendant des années. « Le monstre, c’est mon potentiel de destruction créatrice. Mon esprit inconscient. Mon moi instinctif. Ma nature incontrôlée, dit-elle ici. Il me fait peur. Il me fascine. Il me terrorise. Il est mon ange gardien et mon geôlier. Extraordinaire. Mythologique. Mon lien avec le destin. Mais qui est le monstre? Vous ou moi? »

Le passionnant documentaire biographique de Peter Schamoni est à la fois le portrait d’une terroriste de l’art et une totale immersion dans son oeuvre qu’elle commente en voix-off (le film remonte à 1995). Accompagnée par la musique de Chopin, de Satie, de Glass et de Moondog, elle raconte ses Nanas qui l’ont rendue célèbre. Notamment La plus grande putain de la planète (29 mètres de long, six de hauteur et neuf de largeur), pénétrée par 120 000 visiteurs en trois mois au musée d’art de Stockholm, qui marqua le début de ses collaborations à des oeuvres monumentales. Explique la construction du magique Jardin des Tarots en Toscane. Revient sur le film Daddy et ses Mères dévorantes. Le plaisir que lui apportait la fabrication d’aires de jeu pour les enfants à Jérusalem et en Belgique… Elle retrace aussi forcément sa rencontre et sa collaboration avec son mari le sculpteur, peintre et dessinateur suisse Jean Tiguely.

« Je ne partage pas la vision de Rousseau qui veut que l’homme est bon et la société corrompue. Parce que nous faisons la société. Et que nous en sommes tous responsables », commente une artiste qui s’est toujours identifiée aux exclus. Le documentaire de Peter Schamoni donne juste envie de courir visiter la rétrospective qui lui est consacrée à Paris, au Grand-Palais.

  • DOCUMENTAIRE DE PETER SCHAMONI.
  • Ce mercredi 19 novembre à 00h25 sur Arte.

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