Critique

À la télé ce lundi soir: The Storm Makers, ceux qui amènent la tempête

The Storm Makers: Ceux qui amènent la tempête © Bophana Production
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Misère sociale, promesse d’argent facile et d’un monde meilleur…

« Je cible les plus pauvres. Ces gens sont faciles à embobiner, à convaincre et à recruter. La plupart ne savent pas lire. Ils n’ont rien à perdre. Même les usines les refusent. Ces gens-là, on les appelle les demeurés. Ils ne savent pas s’habiller correctement. Ni même faire leur propre lessive. » Ainsi s’exprime, en toute décontraction, le sourire pratiquement aux lèvres, un trafiquant d’êtres humains. Un Storm Maker comme ils les surnomment au Cambodge. Ces Semeurs de tempête obsédés par l’argent facile qui vendent sans scrupule les gens par villages entiers.

Si un demi-million de Cambodgiens travaillent à l’étranger, un tiers d’entre eux a été vendu comme esclaves en Thaïlande, en Malaisie ou à Taïwan. Certains meurent loin de chez eux et des leurs. D’autres reviennent mutilés. A tout le moins meurtris. C’est le cas de la douce Aya, réduite dès l’âge de seize ans à la servitude.

Misère sociale, promesse d’argent facile et d’un monde meilleur… Sa mère qui cherchait désespérément un moyen de payer ses dettes l’a vendue à une agence comme femme de ménage. Exploitée, insultée et violentée par son patron qui lui avait confisqué son passeport, Aya a vécu l’enfer pendant deux ans. Quand elle trouva enfin l’occasion et la force de fuir, l’adolescente fut séquestrée et violée par une mauvaise rencontre. Puis emprisonnée parce que sans papiers. Aujourd’hui, de retour chez elle avec un enfant non désiré dont le père n’est autre que son bourreau, elle est méprisée par sa génitrice et les voisins.

Si la jeune femme sert de fil rouge au documentaire franco-cambodgien bouleversant et psychologiquement très dur de Guillaume Suon, The Storm Makers raconte aussi Houy et sa mécanique bien huilée. Abomination personnifiée qui n’a que la religion et sa mauvaise foi pour lui donner bonne conscience, ce quinquagénaire cambodgien achète des filles pour les revendre à des agences étrangères. Ses rabatteurs cherchent des gens naïfs et démunis à piéger dans les villages, arpentent les contrées les plus reculées et les plus pauvres pour troquer leurs filles contre quelques centaines de dollars et les revendre avec une solide plus-value à la clé. Produit par Rithy Panh, le réalisateur de L’Image Manquante, The Storm Makers dénonce avec calme et force l’exploitation cruelle des populations rurales au Cambodge. Il a reçu l’an dernier le prix du meilleur documentaire asiatique au Festival international du film de Busan.

  • DOCUMENTAIRE DE GUILLAUME SUON.
  • Ce lundi 9 févrirer à 00h30 sur Arte.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content