Critique

À la télé ce lundi soir: Eau argentée, Syrie autoportrait

Mémoire de l'oubli © Arte
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

A partir de vidéos amateurs filmées à l’aide d’un GSM et de sa rencontre sur Internet avec une résistante issue de la minorité kurde, Ossama Mohammed rend hommage à son peuple en lutte.

« Il a écrit sur les murs: « le peuple veut la fin du régime. » Il a été arrêté. Ses ongles ont été arrachés. C’est arrivé à Deraa. Les proches ont accouru et exigé sa libération. « Oubliez-le, dit l’officier. Faites un autre enfant. Si vous n’y arrivez pas, faites venir vos femmes, on vous aidera. »«  C’est un film de 1001 images prises par 1001 Syriens et Syriennes. Le film d’un enfant du pays exilé en France depuis le 9 mai 2011. A l’époque, Ossama Mohammed (Etoiles de jour, Sacrifices) est invité au festival de Cannes pour un débat sur le cinéma sous la dictature. Rares (il en a tourné quatre en 26 ans), ses longs métrages sont censurés chez lui. Ses propos à la Quinzaine des réalisateurs sont tellement virulents que ses amis lui déconseillent de prendre l’avion du retour.

A partir de vidéos amateurs filmées à l’aide d’un GSM puis postées sur les réseaux sociaux et de sa rencontre sur Internet avec une jeune résistante pacifiste issue de la minorité kurde qui a décidé de capturer en images Homs l’assiégée, Mohammed rend hommage à son peuple en lutte. A distance, rongé par la culpabilité d’avoir quitté les siens, il suit l’évolution de la révolution.

Des paysages ravagés, des bâtiments en feu. Des corps, du sang, des cris. Les balles fusent. Les gens fuient. Les parents dévastés serrent dans des bras tremblants les corps encore chauds de leurs enfants morts. Un gosse fleur à la main se promène dans les gravats à la merci des snipers… Cru, rude, poétique, difficilement soutenable et pourtant indispensable, Eau argentée montre tous les Syriens, victimes et bourreaux (jusqu’à un adolescent humilié, torturé et… filmé par le pouvoir).

« Des animaux bouffent les cadavres. Ils brûlent les jeunes. Des larves sortent des plaies des blessés », se racontent deux mères. Au son des pleurs, des balles, des claviers d’ordinateur et des notifications Skype, Mohammed montre ce qu’on préfère souvent ne pas voir et questionne la prolifération d’images horribles en ces temps numériques. Images qu’il sort de leur logique « spectaculaire » et sensationnaliste pour leur faire prendre sens. « Si le cinéma est selon moi généralement l’affaire d’un seul point de vue, dans ce moment précis d’urgence et de guerre, utiliser ces images plurielles m’a semblé la manière la plus juste de raconter la tragédie syrienne. C’était comme si j’avais devant moi un puzzle, un corps et un pays -mon pays- réduits en pièces, que je devais rassembler pour créer une image unique. » Ames sensibles s’abstenir.

  • DOCUMENTAIRE D’OSSAMA MOHAMMED.
  • Ce lundi 15 septembre à 23h50 sur Arte.

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