Critique | Musique

Laurel Halo – Quarantine

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AMBIENT | La jeune américaine Laurel Halo signe un premier album étonnamment maîtrisé: un trip ambient hagard, les yeux dans le vague.

LAUREL HALO, QUARANTINE, DISTRIBUÉ PAR HYPERDUB. ****

D’abord les présentations. Originaire d’An Arbor (ville natale d’Iggy Pop), Laurel Halo est une jeune musicienne électronique de 25 ans, installée aujourd’hui à Brooklyn. Une première évidence: la demoiselle cultive apparemment un vrai goût pour les pseudonymes. Née Ina Cube (?), elle s’en était déjà procuré un, le temps d’une série de EP parus sous le nom de King Felix. Aujourd’hui, elle signe un premier véritable album sur le prestigieux label Hyperdub et se fait donc appeler Laurel Halo.

L’enseigne londonienne est plutôt connue pour ses sorties dubstep historiques, et son goût pour la bass music en général. Rien de tout cela ici. Le terrain exploré par Laurel Halo relève d’autres sensations, plus proches d’une techno rêveuse ou, mieux encore, de langueurs ambient. En l’occurrence, le genre est particulièrement difficile à circonscrire, encore plus ingrat à décrire. Parlez « paysage électroniques », « nappes sonores éthérées », et vous n’avez encore rien dit, sinon des clichés. Ce que Quarantine pourrait cela dit assumer parfaitement, mais qui ne le définirait pas complètement non plus.

Seppuku

Le déploiement zen du disque pourrait ainsi cacher son goût pour l’humour noir. La pochette en est un exemple. De loin, le dessin coloré ne dévoile pas tout de suite son sujet sanglant: une réplique flashy d’une scène de seppuku entre jeunes filles, dessinée à l’origine par le cartooniste japonais Aida Makoto. Certains titres de morceaux plombent également l’ambiance: Airsick, Carcass, Tumor…

Mais c’est encore l’intitulé même de l’album qui semble le mieux décrire l’humeur de Laurel Halo. « Quarantaine » pour résumer le sentiment d’isolement que dégage l’album. Quarantine se joue en effet entre 3 et 4 h du matin, moment de la nuit où la solitude se fait souvent le plus intensément sentir. Le genre d’insomnie à la fois enivrante et étouffante. Au milieu des machines, la voix de Laurel Halo fait parfois penser à Björk, période Vespertine. Sans les circonvolutions vocales parfois crispantes, et donnant sur un décor urbain, plutôt que sur les paysages naturels généralement privilégiés par l’Islandaise. Des échos de piano distant balaient par exemple un titre comme Morcom, qui sombre dans une hallucination pré-sommeil, tandis qu’Airsick semble jeter un regard embué sur une ville engourdie et tournant au ralenti, plus complètement embourbée dans l’obscurité mais pas encore réveillée par les premiers rayons de soleil.

Quoiqu’il arrive, Laurel Halo évite les longs développements: en quelques minutes, trois, quatre pas plus, elle jette une image, en quelques traits assurés. Mais qui, petit à petit, après plusieurs écoutes, suffit à imprimer durablement l’oreille, distillant ses angoisses et ses rêveries solitaires.

Laurent Hoebrechts

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