ROX around the clock

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Mi-iranienne mi-jamaïcaine, Rox métisse la pop soul anglaise. Portrait de famille avant son passage à Couleur Café.

C’est sans doute inscrit dans ses gênes: l’homme n’aime pas partager le pouvoir. Qu’à cela ne tienne. Dans le petit monde de la britsoul, ce sont les filles qui font la loi. Après la déchirée et délavée Amy Winehouse, les blanches et sages Adele et Duffy, il faudra dorénavant compter avec Rox.

Un petit bout de femme souriant et spontané de 22 ans né à Norbury (l’un des rares lieux où Sherlock Holmes se trompe dans ses déductions). Jamaïcaine et iranienne de sang. « Je ne sais pas pourquoi ce sont surtout les gonzesses qui percent pour l’instant. Tout est question de cycle. D’ici quelques années, voire quelques mois, on ne parlera peut-être que des mecs. »

En Angleterre, Rox n’est déjà plus une inconnue. La Londonienne a joué à Reading, participé à la célèbre émission de Jools Holland, servi de générique à une pub pour du rimel et enregistré avec Paul Weller. Chez nous, si la percée reste timide, elle se soigne. La demoiselle figurait au programme des Nuits, vient de sortir Memoirs, son premier album, et se produira le 25 juin à Bruxelles dans le cadre de Couleur Café.

Comme nombre des divas de la soul, Roxanne Tataei a grandi dans un environnement profondément religieux. Le samedi, c’était l’église. Toutes les semaines. De 5 à 10 ans. De 9 heures du matin à 5 heures de l’après-midi. « Pire qu’un job, ponctue la pétillante jeune femme dans un grand éclat de rire communicatif. Mes grands-parents sont très croyants. Comme les Juifs, le samedi, on pouvait manger mais pas cuisiner. Je n’avais pas le droit de regarder la télé. De m’évader jouer avec des amies. Je devais consacrer mon temps à Dieu. »

Rox a pris ses distances avec la religion. Ne se souvient pas de quand elle est entrée dans un lieu de culte pour la dernière fois. Mais elle le reconnaît, le revendique même, c’est à l’église qu’elle a appris à chanter. A l’église qu’elle a découvert comment les harmonies vocales pouvaient transcender un morceau. A l’église encore qu’elle a pris conscience du poids des mots.

Jay-Z, Bob Marley et Lee Scratch Perry

Qu’on parle avec Roxanne de ses racines, de son enfance ou de son album, la Jamaïque n’est jamais loin. Le naturel revient toujours au galop. « Ma mère m’a élevée toute seule et elle a toujours fait en sorte que je ne manque de rien. C’est une ultra… Elle n’a jamais raté un de mes concerts. Toujours au premier rang. J’ai grandi avec elle et mes grands-parents. Tous jamaïcains. Je suis plus jamaïcaine qu’anglaise. Ça se sent dans ma manière de parler, de manger, d’envisager la vie. »

A la maison, on baignait évidemment dans le reggae. « Mais du reggae gospel. Du gospel traditionnel jamaïcain. Ça m’empêchait d’écouter ma Djunga Djunga musique comme l’appelait ma grand-mère. Ma maternelle, elle, était plutôt branchée UB40. »

Pour mieux la comprendre, puis aussi quelque part savoir d’où elle venait, Roxanne est partie fouler la terre de ses ancêtres. « Cette partie de ma famille était très pauvre. Elle a appris à tout aimer de la vie. A se contenter de peu. J’y pense souvent. A vrai dire dès que je commence à me plaindre de choses futiles… Je n’en suis pas moins ambitieuse. »

Rox a d’ailleurs planché sur son premier album avec du beau monde. Son vieil ami Al Shux qui a coécrit et coproduit le Empire State of Mind de Jay-Z et Alicia Keys. Mais aussi Commissioner Gordon (Lauryn Hill, Damian Marley, KRS One) qui a rassemblé pour l’épauler quelques vétérans du reggae jadis partenaires de jeu des Skatalites, Lee Scratch Perry et autre Bob Marley. « Il a l’habitude de bosser avec ces « old school dudes » des fifties et sixties. Ils ont plus de 70 balais et passent leur vie dans les aéroports et les studios d’enregistrement entre la Jamaïque et les Etats-Unis. J’avais l’impression de traîner avec les potes de mon grand-père. »

Miss Tataei n’en sait pas autant sur ses origines iraniennes. « Je n’ai jamais vécu avec mon père. Puis, ce n’est pas un Iranien conventionnel. Il aime la black music. Toutes ses petites amies sont noires. Il a quitté l’Iran quand il avait 16 ans. Il en a 46. Il n’y est jamais retourné et n’en éprouve pas le désir. Moi, j’aimerais découvrir cette partie de moi. Savoir où il est né, comment ma famille a vécu. Mais c’est plutôt dangereux et déconseillé pour l’instant. »

Amy, Adele et Duffy

No Going Back, I Don’t Believe et le tube My Baby Left Me, soit les titres les plus enlevés de Memoirs, sont aussi les plus séduisants d’un premier album aussi pop que soul. Prometteur mais souvent trop tiède. Les chansons de Rox sont comme un journal intime. Le recueil de ses pensées noircies par une grosse déception amoureuse. La jeune femme s’en fout d’être cool ou trendy. Fan de Lauryn Hill, elle s’emballe sur la simplicité, l’identité et la discrétion de Sade. Le tempérament et la sincérité d’Alanis Morissette. Comme elle peut disserter sur The Low Anthem et Joanna Newsom.

Drôle de fille que cette Roxanne fatiguée d’être associée à Amy Winehouse, Adele et Duffy.  » Back to Black est un disque hallucinant. Amy s’est fait accepter par le mainstream et a de cette manière créé une brèche mais je n’ai jamais essayé de sonner rétro. Et je ne pense pas que ma musique soit Motown. Je connais bien Adele. Nous avons été à l’école ensemble. Mais même si a priori je trouve le rapprochement plutôt flatteur, je suis un peu frustrée de leur être toujours comparée. Ce n’est pas comme si elles avaient inventé la soul. »

Rox, Memoirs, distribué par Rough Trade.

Le 25 juin à Couleur Café.

Julien Broquet

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