Paroles Urbaines: portraits des lauréats

© Anonyme Photography
Stagiaire Le Vif

Le 3 mars, Tonino, Carl et Joy se voyaient remettre le prix des Paroles Urbaines à la Rotonde. Une récompense qui arrive à point dans chacun de leurs parcours. Rencontres.

Un beau jour, Tonino, Carl, Joy et leurs acolytes recevaient un coup de téléphone: ils étaient nominés pour les Prix Paroles Urbaines. Parmi tous les artistes de musique de rue, un réseau de professionnels du milieu avait sélectionné des rappeurs, slameurs, et spoken worder (comprenez artistes de Spoken Word). Le 3 mars, ils se retrouvaient sur la scène de la Rotonde, devant un jury d’écrivains et d’autres professionnels du monde de la littérature qui évaluait la force de leur parole et la qualité de leur flow. L’ASBL Lezarts Urbains était aux mannettes de cette célébration du son urbain, qui n’était « pas un concours, mais bien une remise de prix », insiste Caran Courbet, porte-parole de l’organisation. Nous avons rencontré les trois lauréats de cette deuxième édition du Prix Paroles Urbaines.

Tonino: « du rap sans style ça rime à rien »

Tonino a 25 ans, il étudie les Arts du spectacle à l’ULB. Mais s’il devait définir sa vie, c’est plutôt du rap qu’il parlerait: « je vis de mon rap, dans le sens que c’est ma vie ». Grâce à son père, il écoute de la musique depuis qu’il est gamin. À 12 ans, il va voir les Saïan Supa Crew en concert gratuit à Schaerbeek. A 17 ans, il écrit son premier texte, avec des potes « dans un groupe qui n’a pas tourné. C’était sur les faces B ». Alors, pendant deux ans il écrit, et affine sa plume. Aujourd’hui, il y a quatre ans qu’il a créé son collectif, les Trafiquants d’art. « C’est dans le sens de trafiquer les choses, mais c’est surtout l’idée de faire circuler l’art. » Huit rappeurs, trois beatmakers et un dj composent le groupe. « On se rattache plutôt à l’art en général. Nos influences viennent du rap, mais aussi d’autres mondes artistiques, comme le cinéma par exemple.«  Le rap lui permet d’exprimer des choses qu’il n’arriverait pas à exprimer autrement. « Mais ce n’est pas ma pensée directe, au sens où il y a forcément un travail nécessaire derrière: des contraintes de forme, de style, de rimes… » « Le rap sans style, ça rime à rien. C’est une question de sens », chante le jeune MC.

Le 3 mars, ce n’était pas la première fois que Tonino gagnait un prix. Un bon mois plus tôt, il avait déjà remporté la deuxième édition du Rap Contest, où des rappeurs performaient sur la scène du Botanique pour les Sessions Urbaines, festival annuel aussi organisé par Lezarts Urbains. Malgré tout, quand il a vu les rappeurs avec qui il était nominé pour les Prix Paroles Urbaines, il a eu peur… James Deano, Masta Pi, Scylla… « C’est des mecs que j’écoutais il y a 5 ou 6 ans dans ma chambre. Je n’avais pas encore écrit une ligne qu’ils avaient déjà sorti leurs albums ! Mais ça m’a fait plaisir d’être considéré – par le jury – sur le même plan qu’eux. »

Il y a un an, Tonino sortait Au prix de l’eau, un tape de 21 titres téléchargeable gratuitement sur Internet. Au printemps de cette année, il sortira un EP de neuf morceaux. « C’est un projet très aérien. Fuir le réel, planer, me retrouver dans la fiction, se laisser transporter… Je pense que mon prochain EP ira dans ce sens là.«  Un changement d’univers vers un projet plus « aérien », c’est tout ce que ce que le jeune rappeur laissera transparaître de son futur album.

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Carl et les hommes-boîtes marchent autour du lac

Carl, il n’aime pas trop qu’on le mette dans une boîte. « Je préfère quand les frontières se mélangent, se confondent. » Oui, il a gagné dans la catégorie « Spoken Word », mais il se qualifierait plutôt de « raconteur d’histoires ». Des histoires, il en raconte dans ses dessins, qu’il signe avec Noémie Marsily, sa compagne. Il y a quelques jours, ils ont sorti ensemble le clip Autour du lac, premier morceau de La paroi de ton ventre, le futur album de son groupe Carl et les hommes-boîtes, qui sortira dans les bacs le 22 avril prochain. « C’est l’histoire d’un mec qui se promène autour d’un lac et qui rumine des choses. En croisant des visages, il a des idées qui lui viennent à l’esprit. »

Vous vous demandez sûrement « mais pourquoi « Carl et les hommes-boîtes »? » « Ça vient d’un livre qu’un ami m’avait prêté à l’époque, L’homme-boîte, de Kôbô Abé. Le début du bouquin raconte un mec qui observe une boite en carton en bas de chez lui, et il est persuadé qu’il y a quelqu’un dedans qui l’observe, et qui regarde le monde à la hauteur de sa boîte. » Carl a-t-il un message à faire passer par cette métaphore? « Non, je ne veux pas imposer un sens précis, libre à vous d’y voir ce que vous voulez. » Carl a commencé à mettre ses histoires en musique avec le producteur de rap Noza. En 2009, le groupe de six musiciens sortait son premier album: Où poser des yeux? Une référence à la tentative de regarder dans les recoins où on ne pose pas souvent ses yeux, pour y trouver l’inspiration.

Carl et les hommes-boîtes sera en concert le 6 mai prochain au Botanique. En attendant, il participera aussi à un festival de quelques jours, organisé par le KJBi, et sera à l’affiche des fêtes de la musique de Namur le 22 juin prochain.

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Joy, nouveau visage de la scène Slam

Il y a quelques mois encore, personne ne savait que Joy faisait du slam. En fait, elle n’était pas slameuse, elle n’écoutait même pas de slam. Elle écrivait des textes dans sa chambre. « Quand les gens ont entendu que j’avais gagné le concours, ils étaient étonnés. Beaucoup de mes connaissances ne savaient même pas que j’avais participé au concours ni que je faisais du slam. Ils ne s’y attendaient pas du tout. » Elle a commencé par des petites scènes, dans des cafés. « Au début je venais juste pour voir, mais après j’ai vu que tout le monde osait alors je me suis lancée. » Le fait de gagner le concours lui a permis d’assumer ses textes. « Avant, j’avais toujours le doute que ça ne soit pas assez bien écrit, pas assez pro. Je ne lisais mes textes à personne. C’est une étape d’oser les dire devant des gens. » Mais elle est heureuse d’avoir fait le pas… « C’est quelque chose que je ne m’étais jamais imaginée faire parce que j’avais peur d’être mal comprise ou mal interprétée. Maintenant, je me rends compte qu’en fait les gens apprécient, et qu’en plus ils ont vraiment compris ce que je voulais dire. »

Joy, Gioia de son vrai nom (joie, en italien), est donc une petite nouvelle dans le monde du slam. Le milieu ne compte pratiquement que des hommes mais elle a décidé « d’assumer le fait que mes textes sont parfois peut-être plus féminins dans leur écriture ou leur contenu… Je n’ai pas envie de gommer cet aspect là. » Sur scène, la jeune slameuse ressent ce qu’elle dit. « Quand je dis un texte, c’est parce que j’ai une histoire à raconter. Ce n’est qu’après que j’y mets la forme. » Aujourd’hui, elle raconte ses histoires seule sur scène. Mais elle voudrait commencer à travailler avec des musiciens. « Je n’ai pas d’oreille musicale, je n’ai jamais joué d’instrument donc j’aurais besoin de gens qui s’y connaissent, pour voir ce qu’il y aurait moyen de faire ou pas… Je ne sais pas où ça va me mener, mais ça me tient vraiment à coeur de mettre mes textes en musique. »

En dehors de la musique, Joy est étudiante en lettres. Elle sera sans doute professeur de français dans quelques années et rêve de faire faire quelques « exercices de slam » à ses élèves…

Adèle Dachy

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