Critique | Livres

Blain – Le réducteur de vitesse

Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

RÉÉDITION | Alors que Blain est encensé pour son Quai d’Orsay, Aire Libre réédite Le réducteur de vitesse, l’une de ses premières bandes dessinées. Et déjà un chef-d’oeuvre.

Blain - Le réducteur de vitesse
© Dupuis/Aire Libre

Georges, après des études d’océanographie, embarque à Brest dans la Marine française et sur Le Belliqueux, le plus énorme des rafiots de guerre, bon pour la casse, et pourtant parti en mer, prêt à en découdre si nécessaire. Georges le timonier y rencontre Louis l’écrivain, Nordiz le bosco, Jean le mécano, tous les matafs du navire, et surtout, le bateau en lui-même. Jusque dans ses entrailles, jusqu’à son réducteur de vitesse, une pièce gigantesque et effrayante dont dépend la survie du bateau, et dont les engrenages, taillés au micron près, succomberaient pourtant au moindre objet qui viendrait à y tomber. Comme ce taille-crayon que Louis, soudain, lâche dans le ventre de la Bête… Si 2013 restera l’année de la consécration internationale pour le dessinateur et auteur Christophe Blain, avec le 2e tome de Quai d’Orsay, énorme succès public et critique qui lui a d’ailleurs valu son 2e prix du Meilleur album à Angoulême, et dont Bertrand Tavernier achève l’adaptation cinématographique, 1999 restera l’année de sa naissance auprès du grand public BD: Dupuis eut alors le nez creux en allant chercher cet auteur encore peu connu, mais partageant son atelier avec Joann Sfar, David B., Trondheim ou Emmanuel Guibert; Blain allait devenir, avec eux, l’un des chantres de cette « nouvelle bande dessinée » française, en référence à la « nouvelle vague » cinématographique. Un règne qui démarra avec cet extraordinaire Réducteur.

Minimalisme et mouvement

La mer semble loin désormais des univers graphiques de Christophe Blain: outre Quai d’Orsay, intrusion subtile dans les arcanes du pouvoir et d’un certain ministre des affaires étrangères, époque Chirac, Blain s’est récemment illustré avec La fille, livre CD concept, pop art, rempli de motards et de cow-boys. L’océan et l’univers de la Marine furent pourtant ses premières passions et inspirations. Après avoir lui-même servi durant plusieurs mois sur un navire, sa première oeuvre publiée fut un livre d’illustrations, Carnet d’un matelot, et sa première série, Isaac le pirate, un chef-d’oeuvre d’aventure maritime. Entre les deux, il y eut ce Réducteur, fondateur de son style, réédité aujourd’hui: minimaliste, entièrement voué au mouvement et à la spontanéité du trait. La réédition le lui rend bien: pour une fois sobre, elle ne propose « que » quelques pages supplémentaires, faites de croquis et d’extraits, bien trop courts, d’interviews de l’auteur: « J’ai voulu dépasser le réalisme pour aller jusqu’au fantastique. J’ai exagéré les dimensions et la profondeur du bateau pour mieux faire sentir cette impression de gigantisme que l’on éprouve quand on est à bord. (…) J’ai choisi une expression spontanée, la plus allusive possible, un style presque comique. » En tout cas, du grand art à (re)lire.

  • Le réducteur de vitesse de Christophe Blain, éditions Dupuis. 80 pages.

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