Chroniques de Jérusalem de Guy Delisle: documents de travail

À première vue, ses Chroniques de Jérusalem semblent surfer sur la vague, très prisée en ces temps de troubles, de la BD d’actu. Sauf que Guy Delisle occupe le terrain depuis plus de 10 ans avec ses récits en terres étrangères narrés sur le mode du journal de bord, voire du carnet intime. Au début des années 2000, en effet, cet auteur d’origine québécoise installé en France relate via Shenzhen, d’abord, puis Pyongyang, 2 albums-fleuves parus à L’Association, son expérience en tant que superviseur dans le domaine de l’animation en Asie. Une poignée d’années plus tard, il suit sa compagne, expatriée MSF, à Rangoon, et en résultent des Chroniques birmanes sous prozac. C’est elle encore qu’il accompagne dans la foulée, avec leurs 2 jeunes enfants, pour une année à Jérusalem, prétexte à ce nouvel album, à paraître en novembre chez Delcourt, qui, nous assure l’intéressé, n’était une fois de plus pas prémédité…

« En arrivant à Jérusalem, je pensais en fait pouvoir travailler à un autre projet que j’amenais sous le bras mais la logistique a fait, avec les enfants et l’école, que ce n’était pas vraiment possible. Donc j’ai passé une année plus ou moins sabbatique à faire des croquis et à tenir mon blog. L’idée de ces Chroniques est venue après. Ce besoin de raconter mon expérience ne se fait pas tellement sentir quand je suis à l’étranger. Mais plutôt quand j’en reviens. L’idée c’est de garder une trace de ce que j’ai vécu. Ne pas tout oublier. C’est déjà ce qui m’anime quand je prends des notes sur place. Surtout que je n’ai pas une très bonne mémoire… Mais je pense aussi à ma famille, l’album devient alors une espèce de grande carte postale que j’enverrais à mes proches pour leur dire ce que c’était que cette expérience. »

Accro au réel

Une expérience qui le voit jouer les hommes au foyer, balloté entre les enfants, le ménage, la glande et ses errances dans la ville qu’il relate, non sans humour, qu’il a plutôt grinçant, dans un style très sobre, informatif, quasi documentaire parfois, pointant les particularités, nombreuses, les bizarreries, les absurdités aussi propres à Jérusalem. Comme une volonté de décrypter la ville par le prisme de la BD intime? « En effet, s’agissant de Jérusalem, il y a des choses que j’ai seulement comprises en étant là-bas. Et quand j’apprends quelque chose de nouveau, j’ai la faiblesse de croire que c’est intéressant de le faire partager. Du coup, ça me semble pertinent d’expliquer concrètement comment les colonies fonctionnent, comment la ville est divisée en 2, ce genre de choses… »

Accro au réel, Guy Delisle, jusque dans ses albums à priori les moins autobiographiques? « Oui, chez moi, la fiction se mélange à la vie réelle, et vice versa. Même pour affiner des personnages destinés à des albums de fiction, comme Inspecteur Moroni ou Louis à la plage, je regarde autour de moi: il y a des choses qui m’inspirent et du coup ça les rend plus vivants, plus crédibles. Louis, par exemple, c’est mon fiston, sauf qu’en vrai il n’est pas du tout comme ça. Il est plutôt expansif, pas du tout muré dans son silence. Ce personnage ressemble au final beaucoup plus à moi étant jeune qu’à lui, sauf que c’est sa tête que je dessine… »

Nicolas Clément

Retrouvez –en exclusivité– les meilleures tranches des Chroniques de Jérusalem de Guy Delisle dans le Focus n°28/29 du 15 juillet, en vente avec Le Vif/L’Express.

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