Guy Verstraeten

Et toi, t’es chnikart?

Guy Verstraeten Journaliste télé

Le magazine culturo-sociétal le plus branché de France fête ses 20 ans. Hommage.

La chronique de Guy Verstraeten

« Je peux pas, j’ai Technikart… » Combien de fois n’a-t-on pas, l’espace d’une soirée, préféré la plume virevoltante de nos estimés confrères aux plaisirs de la vie sociale ou, du moins, de la production télévisuelle ambiante? Happy birthday tout plein! De bon coeur… Gratuite d’abord, la feuille s’est muée dès 1995 en bête des kiosques (en bébête pour être plus exact, le mensuel tirant seulement à 40 000 exemplaires, pour un lectorat estimé à 230 000 unités). Une double décennie que le magazine français célèbre en grandes pages, environ 260, et en grands seigneurs: c’est carrément un almanach des années 1991-2011 que la rédaction nous livre, avec des interviews-bilans (Beigbeder, Ardisson, Gaspard Noé, Justice…) consacrées aux cendres et aux sillons creusés par les eighties.

De vieux papiers, les meilleurs ou les plus représentatifs de leurs époques, sont également convoqués dans cette édition anniversaire musclée: une interview au chalumeau de Jamel Debbouze, les confessions fébriles de Biolay, de Doc Gyneco ou d’Hedi Slimane, des lignes amoureuses sur les héros Houellebecq, Despentes, Bret Easton Ellis et les Daft Punk… Toute une génération, celle des vieux vingtenaires et des jeunes trentenaires, reconnaîtra sa progression intellectuelle dans cette évocation si pas nostalgique, au moins nostalgisante d’une époque troublante. A cela s’ajoutent (elles entament d’ailleurs le numéro) de petites rétrospectives douces-amères sur chacune de ces années, vues de la rédaction. Parce qu’inventer un magazine qui dure, c’est surtout le réinventer. En renouvelant ses cadres, son approche, ses cibles. Parfois dans la douleur, dans le soulagement, dans les poings aussi et dans l’erreur. Drôle, pertinent, désabusé, snob, branché jusqu’aux globules ou jusqu’à la caricature, Technikart scotche et fascine autant qu’il irrite.

Hype Style

Ses sujets en avance interpellent souvent, leur traitement décalé surprend toujours et les thèmes savamment trash (la plongée en apnée dans la Fistinière, club homo des pâturages dédié au fist-fucking, n’en est que le dernier exemple cinglant) dont le magazine se délecte évitent l’écueil racoleur des néons rouges en gonflant soit l’humour, soit la profondeur de champ. On est dans la hype convaincue, la parisienne, la religieuse, celle qui assume son avis comme on assume la vérité. Technikart, outsider de la presse aussi gorgé de critiques distanciées que de pubs glamour, déniche les tendances et les lance, avec son public urbain créatif de trentenaires. Que les Inrocks, considérés comme les hérauts de l’info cultureuse institutionnelle, se tiennent à carreau. Happy encore, et à vite.

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