Star Wars: flash-back sur les six premiers volets d’un raz-de-marée culturel

© Lucsfilm/collage Focus
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

The Force Awakens, le septième épisode de la saga Star Wars, prendra d’assaut la galaxie ce mercredi. Flash-back sur les six premiers volets d’une aventure ayant bouleversé l’industrie du cinéma tout en s’érigeant en véritable phénomène culturel.

« A long time ago in a galaxy far, far away… » Pour plusieurs générations de spectateurs, la formule ouvrant rituellement chacun des épisodes de Star Wars a constitué un appel irrésistible, le sésame pour une expérience sans équivalent. Aujourd’hui encore, à plus de 30 ans de distance, voir défiler le déroulant de A New Hope, le premier volet du space opera, tient inévitablement de la madeleine de Proust, avec tout ce que cela peut induire. Mieux qu’une aventure cinématographique d’exception, à l’impact du reste considérable sur l’industrie du 7e art (lire par ailleurs), l’oeuvre conçue par George Lucas s’est insinuée dans l’imaginaire collectif, et le succès colossal de l’entreprise s’est mué en véritable phénomène culturel. Les références à l’univers de La Guerre des étoiles se sont multipliées tous azimuts; les personnages de la saga, et jusqu’aux droïdes R2-D2 et C-3PO, ont valeur d’icônes; les expressions « May the Force be with you » ou « I have a bad feeling about this », un temps signe de reconnaissance entre « initiés », sont désormais entrées dans le langage courant; la musique tonitruante de John Williams, mais encore le souffle en mode vaporisateur de Dark Vador ou le son des sabres-lasers sont identifiables entre tous, et l’on en passe, tant l’aura de la saga confine désormais au mythe.

Dire que la sortie annoncée de l’Episode VII, The Force Awakens (attendu le 16 décembre sur les écrans belges) a déchaîné les passions relève, dans ce contexte, de l’euphémisme. Un constat encore renforcé par le fait qu’après une trilogie (quasi) unanimement appréciée, Lucas lui-même s’est tiré une balle dans le pied avec une prélogie beaucoup plus discutable artistiquement s’entend, le succès commercial ne s’étant pour sa part jamais démenti. De quoi mettre un peu plus la pression sur J.J. Abrams (lire son portrait dans le Focus du 11 décembre), chargé de reprendre les choses là où les avait laissées Return of the Jedi, de Richard Marquand -c’était en 1983,« a long time ago », et presque dans une autre galaxie en effet… Flash-back.

Une patine rétrofuturiste

Si la sortie de Star Wars aux Etats-Unis, le 25 mai 1977, va bouleverser la planète cinéma, le film ne vient pas de nulle part pour autant. Réalisateur auparavant de THX 1138 et American Graffiti, George Lucas avait commencé, dès 1972, à imaginer une histoire s’inspirant des serials des années 30 et 40, Flash Gordon et Buck Rogers, en particulier, à quoi s’ajouteront d’autres influences, allant du cinéma de genre(s) à celui d’Akira Kurosawa; des mythes et légendes aux écrits de science-fiction. A New Hope, qui constituera l’Episode IV du récit envisagé dans son ensemble, pose les bases de l’univers imaginé par le réalisateur. Et orchestre la confrontation manichéenne entre un Empire totalitaire faisant régner la terreur dans la galaxie sous la conduite d’un redoutable chef de guerre, Dark Vador, et un petit groupe de résistants rassemblés au sein de l’Alliance rebelle, et tentant de s’opposer à ses sombres desseins à l’instigation de la princesse Leia. Des rebelles qui vont recevoir le concours d’un chevalier Jedi, Obi-Wan Kenobi, mais aussi de l’intrépide Luke Skywalker et d’un mercenaire, Han Solo, sans même parler d’un wookie, Chewbacca, et des deux droïdes susnommés, s’attelant, à des degrés divers, à détruire l’Etoile de la Mort.

Faisant fi du scepticisme général, Lucas impose d’emblée la cohérence de son univers, créant sa mythologie propre, articulée autour de la Force, champ d’énergie auquel sont soumis les protagonistes, la lutte permanente entre son côté lumineux et son côté sombre reflétant celle entre le bien et le mal. Un brin simpliste, le concept n’en est pas moins porteur, l’histoire y trouvant un arc narratif dont l’efficacité ne sera pas à démontrer. Le film cartonne, Ralph McQuarrie et quelques autres ayant su mettre en formes les visions de Lucas, la technique s’avérant au diapason -ainsi, notamment, du travail de Ben Burtt sur le design sonore, ou des effets visuels créés par ILM. Trente-huit ans plus tard, la patine volontiers rétrofuturiste adoptée par Lucas a acquis une touche « vintage » délicieuse. Pour peu, l’on douterait que ce film, un brin désuet mais magique par endroits, ait révolutionné les effets spéciaux et, partant, le cinéma.

Star Wars épisode V: L'Empire contre-attaque
Star Wars épisode V: L’Empire contre-attaque© Lucasfilm

Un postulat que va pourtant permettre de vérifier, trois ans plus tard, The Empire Strikes Back, dont George Lucas a confié la réalisation à Irvin Kershner. Le scénario s’aventure du côté obscur de la Force, Dark Vador déployant toute sa puissance maléfique dans ce qui reste sans doute le film le plus fort de la série; le plus sombre aussi. Et si l’action semble définitivement prendre le dessus -ça bastonne à tous les étages de la galaxie-, l’auteur y adjoint un soupçon de romance (Leia et Han Solo roucoulant gentiment), et même quelques gags à destination du jeune public. Cela, non sans étoffer la galerie de personnages peuplant la saga, avec notamment l’emblématique Yoda et son phrasé inimitable, maître Jedi d’un apport inestimable face aux redoutables Sith. Enfin, Return of the Jedi ponctue cette première trilogie de la plus spectaculaire et la plus dramatique des manières, l’action culminant dans l’affrontement entre Luke Skywalker et Dark Vador, dont il apprend qu’il n’est autre que son père, ancien Jedi passé du côté obscur de la Force. Argument que Lucas agrémente encore d’éléments plus ou moins inspirés, donnant aux multiples rebondissements émaillant cette fresque en mode serial des tonalités contrastées.

Du cinéma comme des cubes…

Troisième épisode dans la chronologie du tournage, Return of the Jedi en est le dernier à ce jour dans celle du récit. George Lucas n’en a pas pour autant fini de La Guerre des étoiles, The Phantom Menace, le premier volet d’une prélogie annoncée de longue date et qu’il n’a laissé à personne d’autre le soin de réaliser, voyant le jour en 1999. Si la trilogie originale était centrée sur Luke Skywalker, la seconde remonte le temps pour s’intéresser à Anakin Skywalker, son père, que l’on découvre alors qu’il n’est encore qu’un enfant montrant des dispositions étonnantes. Succès aidant, le design des films n’a jamais cessé de s’étoffer; quant aux effets spéciaux, ils ont fait un phénoménal bond en avant, au détriment de la crédibilité chronologique. Mais surtout, The Phantom Menace ressemble à un festival d’effets numériques où se débattent malaisément des acteurs n’en pouvant plus -le regard perdu d’Ewan McGregor en dit plus que de longs discours, et le ridicule tendance neuneu guette, incarné par Jar Jar Bings, tandis que la République bascule insensiblement dans le chaos. Mais soit, la course de podracers reste un morceau d’anthologie, et le charme de Natalie Portman/la reine Amidala n’agit pas que sur le seul Anakin. Attack of the Clones corrige quelque peu le tir, film plus sombre et plus dense que le précédent où l’escalade guerrière a pour corollaire le conflit moral agitant Anakin Skywalker, tenté par le côté obscur de la Force. Disposition que soulignera Revenge of the Sith, ultime volet de la saga renvoyant, à grand renfort de duels épiques, la galaxie vers l’état où on l’avait trouvée dans Star Wars, et ouvrant la voie pour Vador, Leia, Luke et les autres… dans une geste toujours répétée. « J’ai pris beaucoup de plaisir à renverser la trajectoire dramatique des films à l’origine, expliquait en 2005 George Lucas dans The Making of Star Wars: Revenge of the Sith, de Jonathan Rinzler. Si vous les visionnez dans l’ordre de leur parution, IV, V, VI, I, II, III, vous obtenez un certain film. Si vous les visionnez en partant du I jusqu’au VI, le résultat est complètement différent. C’est une façon de faire du cinéma extrêmement moderne, presque interactive. Vous prenez des cubes, vous les agencez différemment, et vous obtenez des états émotionnels différents. » Que la Force soit avec vous…

LA CRITIQUE DE STAR WARS THE FORCE AWAKENS SERA POSTÉE SUR CE SITE LE 16 DÉCEMBRE.

Star Wars décrypté
Star Wars: flash-back sur les six premiers volets d'un raz-de-marée culturel
© Éditions Bartillat

Auteurs, en 2007, d’un Il était une fois La Guerre des étoiles ayant fait autorité, Fabrice Labrousse et Francis Schall en proposent aujourd’hui une version actualisée, pour un ouvrage tenant aussi bien du Star Wars pour les nuls que de la bible de la galaxie. L’entreprise est d’autant plus bienvenue que les dernières années ont été fertiles en rebondissements, de la vente de Lucasfilms à Disney en 2012 pour la « modique » somme de 4,05 milliards de dollars -d’un Empire l’autre, en somme- au lancement d’une nouvelle trilogie, dont le premier volet, Le Réveil de la Force, mis en scène par J.J. Abrams sortira dans quelques jours sur les écrans du monde entier. Une aventure abondamment commentée ici, les auteurs levant par ailleurs le voile sur les Episodes VIII et IX, à suivre, dont le premier, attendu en mai 2017, a été confié à Rian Johnson, le réalisateur de Looper, Colin Jurassic World Trevorrow étant pour sa part en charge du second, annoncé à l’horizon 2019.

Cet ancrage dans l’actualité n’est pas, loin de là, l’unique intérêt d’un livre encyclopédique qui entreprend de dresser l’inventaire de la saga. Genèse, conception, univers visités, thématiques, déclinaisons multiples, enjeux artistiques, techniques et économiques, galeries de portraits… il n’est guère d’aspect de cette entreprise hors-norme qui ne soit exploré dans cette somme fourmillant de détails et autres anecdotes. Et permettant de comprendre comment George Lucas a réussi à faire d’un projet auquel personne ne croyait (ses comédiens compris, Harrison Ford se permettant de lui balancer, sur le tournage de A New Hope: « Tu peux écrire cette merde George, mais tu ne peux sûrement pas la jouer ») mieux qu’une poule aux oeufs d’or, un maillon essentiel de la culture populaire. Décryptée, la saga n’en sort pas pour autant démythifiée, et il y a là un must pour les inconditionnels comme pour les profanes, dont on regrettera toutefois que le plaisir de lecture soit atténué par les innombrables coquilles…

  • DE FABRICE LABROUSSE ET FRANCIS SCHALL. ÉDITIONS BARTILLAT. 640 PAGES.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content