Critique | Musique

Damon Albarn – Dr Dee

OPÉRA | Poursuivant son exploration de la voie lyrique, Albarn signe un opéra aventureux mais pas forcément selon des repères électro-rock…

DAMON ALBARN, DR DEE, DISTRIBUÉ PAR EMI. ***
REPRÉSENTATIONS DU 25 JUIN AU 7 JUILLET À LONDRES, WWW.MYSPACE.COM/DAMONALBARN

En novembre 2005, Gorillaz se produit pour cinq soirées consécutives au Manchester Opera House. Damon Albarn conçoit alors un lien particulier avec le Manchester International Festival qui suscitera, peu ou prou, la création d’un opéra chinois également sorti en disque (Monkey: Journey To The West, en 2007), d’une production théâtrale pour laquelle Albarn composa, mais sans trace discographique (It Felt Like A Kiss, en 2009), et puis de l’actuel Dr Dee montré en preview à l’été 2011, toujours à Manchester. L’idée de départ d’Albarn et de Jamie Hewlett était de convaincre l’auteur Alan Moore de concocter un opéra sur les super-héros: ce dernier suggéra plutôt une oeuvre consacrée à John Dee, à la fois mathématicien, astronome, navigateur et amateur d’occulte, devenu fameux par sa position de consultant de la Reine Elizabeth I. Dans le tumulte des glissements de sujet, Hewlett et Moore se sont retirés, laissant à Albarn seul le rôle de capitaine d’un opéra qui nous plonge dans l’Angleterre d’il y a quatre siècles.

On comprend ce qui intéresse Albarn: Dee est un alchimiste puisqu’il tente de concilier les mondes antagonistes de la science et de la magie. On peut y voir un transfert sur une transversalité qui -faut-il le rappeler?- définit aussi le leader de Blur.

Cruauté XVIe

Une nouvelle fois, le procédé consiste à explorer une musique -l’opéra élisabéthain- sans l’atrophier ou la vulgariser. Ce disque de 48 minutes, découpé en 18 plages, possède donc une teinte oldie, d’abord par l’inclusion d’instruments anciens, comme la viole de gambe, mais davantage encore par le chant, orchestré dans un style hiératique, droit, cérémonieux. La quinzaine d’interprètes -sopranos, mezzos, ténors et basses- crée une véritable gangue vocale qui nous immerge dans des sentiments nouveaux, même si certaines parts masculines font remonter du Klaus Nomi en nous… Bizarrement, c’est un instrument inventé il y a seulement deux siècles -l’harmonium- qu’a choisi Albarn pour nous offrir des nappes cinématographiques, comme si cette seule grandeur contenue suffisait à restituer la cruauté -sociale, matérielle, intellectuelle- du XVIe anglais. Pour ne pas complètement dérouter l’auditeur, fan de Blur ou des autres projets « pop », Damon a invité le batteur Tony Allen et le joueur de kora Madou Diabate à épicer l’autrefois de contemporain. Moins par désir d’exotisme métisse que parce que le mélange prend et charme. A titre perso, Albarn balise son propre disque en interprétant une poignée de chansons plutôt cajoleuses (The Moon Exalted, Apple Carts, Cathedrals, The Marvelous Dream) qui confirment son intuition mélodique. Un bémol: le livret, peuplé de signes cabalisto-mathématiques, n’explicite en rien la narration de l’opéra. Dommage.

Philippe Cornet

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