Critique | Livres

Le Bus

NON-SENS | Paul Kirchner? A moins d’être collectionneur de revues porno US vintage comme Screw ou de la version américaine de Métal Hurlant d’avant le milieu des années 80, ce nom ne vous dit certainement rien.

LE BUS, DE PAUL KIRCHNER, ÉDITIONS TANIBIS.

NON-SENS | Paul Kirchner? A moins d’être collectionneur de revues porno US vintage comme Screw ou de la version américaine de Métal Hurlant d’avant le milieu des années 80, ce nom ne vous dit certainement rien. Et pour cause, après une poignée de couvertures pour le premier et quelques histoires loufoques pour le second, plus l’une ou l’autre bricole à gauche et à droite de la voie royale mainstream, il a troqué son costume d’auteur de BD underground pour un tablier plus lucratif d’illustrateur dans la pub et l’industrie…

Sans le travail d’excavation de Tanibis, qui redonne ici sa chance à une série parue en tranches à l’époque dans Heavy Metal, on ne se serait jamais frotté à l’univers délicieusement absurde et graphiquement éblouissant de ce pince-sans-rire qui avoue une admiration pour Bosch, Magritte, Dali et Escher. En six ou huit vignettes taillées dans un noir et blanc ciselé, Paul Kirchner nous immerge dans un monde onirique dont les bus sont les héros. Sous le regard d’un personnage récurrent à la silhouette de fonctionnaire bedonnant, qui est comme notre double dans cette 4e dimension, les véhicules s’enfoncent dans le sol, se dégonflent, manifestent, tombent du ciel ou voyagent dans le temps au gré des situations. Chaque strip est comme une fable grinçante. Qui démarre avec une situation ordinaire et dérape rapidement vers le non-sens ou le fantastique. Un homme qui attend à un arrêt jette son journal dans la rigole, un camion de nettoyage passe, dans la case suivante, le journal a disparu mais le pollueur aussi… L’auteur joue tantôt sur les mots, les prenant au pied de la lettre, tantôt sur le télescopage des images pour glisser un petit grain de sable et de folie dans la mécanique du réel. Et nous… transporter par la même occasion. Arrivé au terminus, on se prend à espérer que cette résurrection incitera l’Américain rangé des bus à reprendre du service.

Laurent Raphaël

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