Hommage à Marc Moulin à Flagey

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Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Cinq ans après sa mort, Michel Moers, Dan Lacksman, Sparks, Bertrand Burgalat, Alain Chamfort, Philip Catherine et bien d’autres rendaient hommage à Marc Moulin à Flagey. Compte-rendu.

En sortant de Flagey ce mercredi soir sous la neige fondante, alors que les flics verbalisent la nuée de voitures hors parking réglementaire, on se dit: Marc Moulin était un talentueux catalyseur de musiques éclectiques, groove compris, un homme singulièrement courtois et un mec bien. Parce que tous les musiciens rassemblés en cette soirée de novembre pour honorer le 5e anniversaire de sa disparition, semblent être du même tissu humain et émotionnel. De qualité.

Alors bien sûr, la performance d’environ deux heures -marquée par un entracte- est de parfum inégal, certaines présences semblant moins justes, notamment au rayon des voix. Pourtant, à la manière de Moulin, on n’en retiendra que le meilleur, logé dans ce splendide Studio 4 complet -une seconde soirée eût été possible- à quelques couloirs d’où Marc jeta ses premiers pas sur les ondes de la RTB(F), fin des années soixante. Ouaip, comme à la radio.

Brigitte Fontaine n’était pas là mais d’autres hexagonaux de qualité, oui: Bertrand Burgalat et Alain Chamfort duettisent Un ennemi dans la glace au piano de quatre mains. Accompagnés par un groupe mouvant et remarquable, qui tout au long de la soirée, se trouve propulsé par un batteur incendiaire: Patrick Dorcéan. Il joue et pulse et rythme un concert aux humeurs diverses dont l’autre constante notable est Christa Jérôme, vocaliste ayant accompagné la dernière ligne droite discographique de Marc, les albums Blue Note des années 2000. Ce soir, elle laisse aller ses pulsions de Billie Holiday de Molenbeek dans des vocalises charnelles logiquement redevables d’une autre suite de carrière.

Hormis le moment zazou où les deux compagnons de Marc dans Telex –Michel Moers et Dan Lacksman– revisitent façon Buster Keaton/Tati le génial Moskow Diskow, on retient de la soirée, l’idée d’un groove permanent, bourlingueur et soigné. À ce titre, les Moulin datés de la période Placebo -première moitié des seventies- sonnent formidablement bien quatre décennies plus tard. Le souffleur Richard Rousselet, contemporain des premiers pas, fait pisser sa trompette dans l’ombre d’un Miles tutélaire, exactement là où un autre instrumentiste cuivré de la soirée, s’abrite, Bert Joris. Le jazz de Moulin, hors Placebo, s’incarne aussi via Philip Catherine, qui le temps de Memphis Talk, donne l’impression d’être une sorte de George Benson belgien, surdoué pour fusiller des arpèges de guitare sentimentale en 220 volts. Laisse-toi aller Philip, ce qu’il ne faut même pas dire à Jacques Duvall et Daan, réunis à l’occasion d’un titre (Le bruit de l’ombre) où s’entrechoquent les échos jazzy-beatnicks des années 60, Ken Nordine et une saine belgitude où flamands et francophones se foutent des soi-disant frontières linguistiques.

D’ailleurs, le concert est co-organisé par un compagnon ménapien de Marc, Jan Hautekiet, homme de radio et pianiste. Preuve que le talent de Marc était au-delà de la francophonie: la présence des Sparks. Les frères californiens Mael ont intercalé cette soirée dans leur périple européen parce que Marc était leur ami, comme Ron -claviériste et moustachu- va le décliner en lisant des extraits d’une lettre drôle et émouvante envoyée par Moulin à la fin des années 70. Instant précieux suivi de deux morceaux splendides, une reprise de Telex datée de 1984 (Tell Me It’s A Dream) et de leur propre This Town Ain’t Big Enough For Both Of Us, synchro à l’événement. Joyeux, scintillant et sans date de péremption.

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