Critique | Musique

Contes de Fay

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Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Héros folk culte, l’anglais Bill Fay sort un nouvel album, plus de 40 ans après avoir quasi disparu de la circulation. Poignant.

ROCK / Bill Fay, Life is people, distribué par Dead Oceans ****

Interrogé récemment par le magazine Spin, Bill Fay expliquait:  »
J’étais en train de jardiner en écoutant certaines de mes chansons sur cassette, et une partie de moi les trouvait finalement pas si mal. Je me disais: « Peut-être qu’un jour quelqu’un va tomber dessus.  » Le soir même, j’ai reçu un coup de téléphone d’un journaliste m’apprenant que mes deux albums avaient été réédités. Je ne pouvais avoir de plus grand choc! » L’épisode date de 1998. A la faveur d’un label curieux, les deux disques sortis par Bill Fay au début des années 70 ressortaient de l’anonymat. Le premier, éponyme, et Time of the Last Persecution avaient bien marqué les esprits à l’époque, mais sans jamais trouver leur public. Largué par sa maison de disques, Bill Fay avait alors sombré dans l’oubli. Jusqu’aux rééditions et au regain d’intérêt qui s’en est suivi. Cultes pour de nombreux amateurs de folk lacrymal, Fay sera notamment repris par les Américains de Wilco, Jeff Tweedy ne manquant jamais une occasion de rappeler son admiration. La suite était logique: 40 ans après ses principaux faits d’armes, 30 ans après sa dernière tentative discographique, Bill Fay refait aujourd’hui surface. Enfin.

Le sexagénaire (69 ans au compteur, pour être précis) aurait pu prendre sa revanche, en profiter pour déverser sa bile et son amertume, après autant d’années classé tricard. Pourtant, pas une seule seconde Life Is People ne se laisse aller à la rancoeur.

Power to the people

Pas le moindre vinaigre, pas la moindre acrimonie. Dès l’entame, l’Anglais livre un morceau comme There Is A Valley, réchauffe-coeur baigné dans des coulées d’Hammond bienveillant. Inspirée par la nature et les grands espaces, la trame folk de Bill Fay s’est toujours nourrie des modèles Dylan et Cohen. Mais l’Anglais n’a jamais eu l’acidité du premier, ni la distance du second. Au lieu de ça, Bill Fay creuse des chansons, comme des sillons dans un champ perdu du Sussex, à remuer la terre des émotions les plus sincères pour qu’elle se régénère, un peu à la manière d’un Nick Drake. Produit par l’Américain Joshua Henry, fan de longue date, l’album fait partie de ces pièces intemporelles au charme boisé, ponctué ici par un quartet de cordes, là par un choeur gospel ( Be at Peace with Yourself). Un fameux tire-larmes, qui, certes, frôle parfois le sentimentalisme ( Never Ending Happening), mais sans jamais tout à fait sombrer dedans (le simplement magnifique Jesus, Etc). En fin de disque, les 8 minutes de Cosmic Concerto achèvent de convaincre sur les vertus humanistes de l’entreprise, Bill Fay répétant ad libitum la phrase Life is people, fondant dans un crescendo poignant.

Toujours dans Spin, Fay expliquait:  » Jusqu’à un certain point, j’avais accepté le fait d’avoir été rayé de la mémoire. Malgré ça, j’ai toujours continué à écrire des chansons et c’était bien comme cela. » Aujourd’hui, on peut en profiter. Et c’est encore mieux.

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LAURENT HOEBRECHTS

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