Critique | Musique

Raphael Saadiq – Stone Rollin’

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SOUL | Toujours calé en mode rétro, Raphael Saadiq déploie une soul quatre étoiles sur son nouvel album, Stone Rollin.

Raphael Saadiq, Stone Rollin , distribué par Sony.

La vague rétro-soul a toujours eu bon dos. Peut-être un peu moins puissante ces derniers temps, elle continue d’être regardée avec méfiance. On lui reproche facilement de glisser vers le pastiche (alors qu’on n’accuse pas les Black Lips de se brancher sur le garage sixties ou Lady Gaga de pomper la Madonna des années 80). Au moins a-t-elle produit un grand disque: le Back To Black d’Amy Winehouse (2006). Par ailleurs, longtemps pillée par le hip hop, elle avait bien droit à reprendre un peu de galon, pour services rendus. Enfin, ce courant vintage n’a jamais été non plus monolithique: de Joss Stone à Jamie Lidell, de Mayer Hawthorne à Sharon Jones et ses Daptones…

Le cas Saadiq, par exemple, reste un exemple à part. De par son parcours d’abord. Surdoué (il a tenu la basse chez Prince), il a fait ses armes du côté du R’n’B moderne. Les plus perspicaces se souviennent de l’épisode Tony! Toni! Toné!. Les autres se rappelleront peut-être de Lucy Pearl (le tube Don’t Mess With My Man). Sur le CV du bonhomme, pas mal de boulots de production aussi. Ses premiers essais solos, par contre, ont longtemps eu du mal à trouver un écho.

En fait, il aura fallu attendre The Way I See It, son troisième album sorti en 2008, pour que Saadiq arrive enfin à capter l’attention. Dans le viseur: la soul des années 60, jusque dans les fringues arborées sur la pochette, sur scène. Par contre, à l’inverse du « grain » de l’école Daptones, la production se fait volontiers moderne. Pour le coup, la soul de Saadiq apparaît moins vintage que « classique ».

Ex-fan des sixties

Trois ans plus tard, le natif d’Oakland (1966) reprend les choses là où il les a laissées. Tout juste a-t-on peut-être sauté quelques années. Sur The Way I See It, la cravate noire sixties était de rigueur. Ici, c’est le sous-pull à col roulé seventies qui domine. Ainsi que la guitare. C’est elle qui lance le disque avec Heart Attack: tambourins spectoriens, roulement de batterie, cri à la Sly Stone, et avec ça un double riff bien saignant pour lancer les débats. Suit Go To Hell, qui propose la deuxième principale option du disque, plus ample, avec ses cordes et ses choeurs gospel. A deux, trois reprises, Saadiq privilégie le B(lues) du R’n’B. Mais y trouve moins facilement son chemin, le format étant peut-être trop carré pour s’en émanciper totalement (Radio ou le trip Dixie de Day Dreams).

Avec The Way I See It, Saadiq avait pu s’embarquer dans une tournée conséquente, au cours de laquelle sa revue soul avait fait forte impression. Du coup, Stone Rollin’ se fait non seulement plus tranchant mais aussi plus coloré, voire psychédélique (le formidable Just Don’t avec Little Dragon au chant). Paradoxalement, c’est également quand il se fond dans le groupe que Saadiq paraît souvent le plus personnel. Le bonhomme est ainsi capable aujourd’hui de pondre un morceau tout seul comme de lui insuffler une vie en cinémascope. Du coup, c’est sa soul qui prend encore un peu plus de coffre et d’envergure. Pressé de voir ça sur scène…

Laurent Hoebrechts

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