Kim Jong-un s’adresse à l’ONU pour que Seth Rogen ne sorte pas son film sur lui

Kim Jong-un à l'Assemblée Suprême du peuple à Pyongyang, 9 Avril 2014 © REUTERS/Kyodo
Trân Thi-Tiên
Trân Thi-Tiên Stagiaire

On ne peut pas dire que Kim Jong-un soit réputé pour son sens de l’humour, et encore moins de l’autodérision. L’actuel dirigeant de la Corée du Nord réclame -sous peine de représailles- la censure immédiate du film The Interview de Seth Rogen dans lequel il tente de l’assassiner.

James Franco et Seth Rogen dans The Interview, 2014
James Franco et Seth Rogen dans The Interview, 2014© DR

Pierre Desproges a dit: « On peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui ». Aujourd’hui, il aurait sans doute pu ajouter « et surtout pas avec Kim Jong-un ». Cette fois, ce dernier est très remonté. Contre Obama? Contre Poutine? Non, vous auriez tout faux. Le leader de la Corée du Nord s’en prend à l’acteur et réalisateur américain Seth Rogen. Mais que diable a-t-il fait pour susciter l’ire de Kim Jong-un? Un film (rien que ça?), dans lequel l’acteur projette de l’assassiner (bon ok).

Après avoir manifesté son mécontentement par la voix de Kim Myong-chol, un proche considéré comme son porte-parole, dans le journal Telegraph, qualifiant le film d’« acte de terrorisme » et d’« acte de guerre intolérable », Kim Jong-un appelle à une censure ferme et immédiate du long métrage sans quoi il promet des « représailles impitoyables ». Rogen et sa bande frôlent dès lors l’incident diplomatique mais cèderont-ils aux intimidations du leader communiste? Ils ont tout du moins intérêt à prendre au sérieux ces plaintes puisque l’administration nord-coréenne a décidé à présent de hausser le ton d’un niveau, allant jusqu’à s’adresser au secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon dans une lettre rendue publique mercredi. Ja Song Nam, l’ambassadeur nord-coréen auprès de l’organisation, réitère les propos tenus par Kim Myong-chol et demande à ce que les autorités américaines prennent immédiatements les mesures appropriées pour interdire le film. La mission demande ensuite à Ban Ki-moon de faire circuler cette lettre « en tant que document officiel de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité ».

S’il y a deux semaines, la sortie de The Interview était toujours prévue pour le 14 octobre 2014 aux Etats-Unis, une éventuelle intervention de l’ONU dans cette affaire fera-t-elle plier Seth Rogen? Rappelons que malgré tout ce foin autour du film, le porte-parole de Kim Jong-un avait concédé que ce dernier regarderait quand même le film. Seth Rogen, ne tardait pas à réagir sur son compte Twitter: « Apparemment, Kim Jong-un va regarder The Interview. J’espère qu’il aimera!! » Il faut croire que la culture américaine ne laisse pas le dirigeant nord-coréen si indifférent, en serait-il même un grand amateur malgré lui?

Une tentative d’assassinat, bien que fictive, ne fait jamais plaisir

Randall Park interprétant Kim Jong-un dans The Interview, 2014
Randall Park interprétant Kim Jong-un dans The Interview, 2014© DR

Brièvement, le pitch: c’est un scénario un peu loufoque que Seth Rogen et Evan Goldberg ont imaginé, à l’humour bien gras du même ton que OSS 117. L’action met en scène deux journalistes d’un talk-show à succès, James Franco et Seth Rogen, chargés par la CIA de se rendre à Pyongyang, officiellement pour interviewer le dirigeant de la Corée du Nord, officieusement… pour l’assassiner. Des interprétations libres menant à l’assassinat de personnages connus, on l’avait déjà vu avec Tarantino qui s’était fait plaisir en entassant Hitler et Goebbels dans une salle de cinéma auquel son héroïne met le feu dans la scène finale (Inglourious Basterds). Sauf qu’Hitler et Goebbels ne sont plus là pour déclarer une vengeance sanglante (heureusement). Kim Jong-un, si. On comprend donc -un peu- que cette tentative de meurtre, bien que fictive, ne soit pas du goût du régime nord-coréen, d’autant plus que les auteurs n’y mettent pas de gants: ils conservent le nom de Kim Jong-un dans le film. On ne s’embarrasse pas d’inventer un personnage fictif quand le vrai est tout prêt à être incarné par l’acteur américano-coréen Randall Park jusqu’à adopter la célèbre coiffure du leader nord-coréen, qu’il aurait imposée depuis mars dernier à tout son royaume. Néanmoins, l’attaque porte moins sur Kim Jong-un en personne que sur son statut de « chef suprême » en Corée du Nord, étant donné qu’à l’origine, le scénario mettait en scène la tentative d’assassinat de Kim Jong-il, mais lorsque ce dernier est mort en 2011, Rogen et Goldberg décident alors d’adapter l’histoire à son fils et successeur.

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