Critique | Livres

3 secondes

POLAR EXPRESS | A l’échelle humaine, 3 secondes, ça paraît très court. Mais à la vitesse de la lumière, 3 secondes, c’est 900 000 kilomètres, soit la distance parcourue par un photon pendant ce claquement de doigts.

3 SECONDES, DE MARC-ANTOINE MATHIEU, ÉDITIONS DELCOURT. ****

POLAR EXPRESS | A l’échelle humaine, 3 secondes, ça paraît très court. Mais à la vitesse de la lumière, 3 secondes, c’est 900 000 kilomètres, soit la distance parcourue par un photon pendant ce claquement de doigts. En filant le train à une de ces particules, dont il ralentit la course folle jusqu’au plafond de perception, Marc-Antoine Mathieu réussit le tour de force de nous raconter une tentative de meurtre sur fond de matchs de foot truqués doublée d’un attentat et d’une trahison dans l’entourage de la victime! Le tout sans un mot, si ce n’est ceux cachés dans les pièces à conviction disséminées au fil des cases habillées de noir et blanc. Un puzzle visuellement vertigineux qui prend la forme d’un zoom perpétuel: la « caméra » avance image par image dans le décor, nous révélant d’abord un homme pris de panique. On plonge ensuite dans sa pupille où se reflète le portable qu’il tient à la main et qui indique qu’il a reçu un message (détail important) avant de « rebondir » sur l’objectif de l’appareil photo du smartphone pour découvrir qu’un homme tenant un revolver se tient juste derrière lui. Et ainsi de suite pendant 3 secondes fractionnées à la manière de Matrix. Dans ce temps dilaté, on aura eu l’occasion de voir la scène sous tous les angles, de rassembler les bribes d’information éparpillées, de se faire une petite idée sur ce qui se trame avant de se rendre compte qu’on a tout faux, et même de ricocher sur l’oeil d’un satellite en orbite, suivi d’une descente à toute berzingue pour assister au dernier acte de ce polar à facettes. Cerise sur le gâteau, Marc-Antoine Mathieu double la mise avec une version numérique de ce puits sans fond optique accessible avec un code repris dans l’album. De quoi prolonger bien plus que 3 secondes le plaisir et s’amuser à reconstituer mentalement le film trépidant des événements en modulant la vitesse de défilement grâce à un curseur. Au-delà de la prouesse formelle qui rappelle celle de Greg Shaw avec son Travelling square district, le dessinateur français fait la démonstration brillante que la bande dessinée n’a pas encore fait le tour de sa bulle…

Laurent Raphaël

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