Critique

Amour

Jean-Louis Trintignant, face à Emmanuelle Riva dans Amour de Michael Haneke. © DR
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

DRAME | Avec « Amour », Michael Haneke signe un film d’une profonde beauté autour d’un couple de personnes âgées confronté à la mort. Un drame bouleversant et universel, magnifiquement incarné par Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva, Palme d’Or au dernier festival de Cannes.

DRAME DE MICHAEL HANEKE. AVEC JEAN-LOUIS TRINTIGNANT, EMMANUELLE RIVA, ISABELLE HUPPERT. 2H07. SORTIE: 24/10. ****

Hasard ou air du temps, le cinéma français nous propose à quelques semaines d’intervalle deux films très forts sur le sujet ô combien difficile de la fin de vie. Stéphane Brizé l’inscrivait dans le cadre d’un rapport mère-fils pour Quelques heures de printemps. Michael Haneke choisit pour Amour celui d’un couple. Anne et Georges ont vécu une longue et probablement belle existence conjugale. L’âge (ils sont tous deux octogénaires) et les habitudes n’empêchent pas leurs sentiments de durer, une grande tendresse s’exprimant dans les gestes certes ralentis mais encore empreints de douceur qu’ils se portent. Dans les mots du quotidien, aussi. Un matin, alors qu’ils prennent leur petit-déjeuner dans la cuisine de leur très confortable et vaste appartement, Anne se fige, les yeux dans le vague, ne réagissant plus aux paroles de son mari soudain fort inquiet. Un problème médical sera décelé, une opération mise à l’agenda. Mais les choses ne prendront pas le cours espéré… Michael Haneke a trouvé dans des événements d’ordre très personnel l’inspiration d’un film posant la nécessaire question de savoir comment affronter, et tenter de gérer, la souffrance d’un être cher. Amour aborde son grave sujet avec une immense élégance de style et d’humanité. Avec un mélange de distance et de proximité qui élève à l’universel sa chronique d’une catastrophe intime.

Le cinéaste autrichien fait un usage admirable du décor de l’appartement, tendu de tissus à dominante de beiges, trahissant discrètement l’âge de ses occupants, comme le font les moulures ombrées aux coins, les peintures accrochées en nombre et la poussière sur les livres, les disques et le piano dont personne ne joue plus dans ce foyer où la musique a toujours tenu sa place, la première (la fille du couple a épousé un concertiste, et son propre fils prend le même chemin). Haneke joue de l’ellipse et du plan séquence avec un art souverain. Il rend palpable le temps, son écoulement, son écroulement, le terrifiant compte à rebours dont l’issue se précise tandis que monte l’inexorable horreur des corps et des esprits saisis par la souffrance. Dans les rôles d’Anne et de Georges, Emmanuelle Riva et Jean-Louis Trintignant sont extraordinaires de force et de fragilité, de tension et d’émotion contenue. Elle, diaphane; lui, minéral. Chacun d’entre eux confronté au mal. Celui qui la ronge, elle. Et qui le désespère, lui. Rarement interpréter et être ont rimé comme dans cet Amour que le jury du dernier Festival de Cannes a choisi de palmer d’or, trois ans après la consécration d’un autre film de Michael Haneke, Le ruban blanc. Un film qui nous parlait déjà du mal, au niveau collectif cette fois. Mais avec une même question, au fond. Celle d’une liberté humaine ne pouvant s’exercer que dans la transgression des normes, de la morale imposée, voire de la loi.

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