Jaffa mon amour

Poignant. Il faut voir cette gorge qui s’étrangle, ces mots qui restent désespérément perchés dans le gosier noué de cet agriculteur palestinien pour comprendre l’ampleur de la Nakba, la catastrophe, celle qui vida tout un peuple de sa terre au profit du colonisateur israélien.

Documentaire d’EYAL SIVAN.

Ce vendredi 4 juin à 23.00 sur LA DEUX

En 1948, l’Etat d’Israël est officiellement créé en Palestine, dans une région que la propagande a décrite comme une « terre sans peuple destinée à un peuple sans terre ». La réalité? Le documentaire de l’essayiste israélien Eyal Sivan tente de la retracer avec une force de conviction remarquable.

Sivan, antisioniste assumé, met un dispositif d’archives original en place pour dérouler une large partie de son film: grand écran, projecteur et (très) vieux films l’accompagnent chez les historiens, écrivains et poètes qu’il rencontre à domicile. L’orange de Jaffa, ici, n’est qu’une manière d’aborder la réalité historique au travers des symboles et imageries qui l’ont façonnée.

A Jaffa, les cultivateurs palestiniens ont été rejoints par les colonisateurs juifs, bien avant que le pays soit coupé en deux par la Société des Nations. L’orange devient alors rapidement un objet de représentation mentale redoutable, celui d’un peuple éduqué (les Juifs débarqués d’Europe) venu rendre son âme à une terre désolée. Le projet sioniste, néà la fin du XIXe siècle, va se nourrir goulûment de cette symbolique pour « vendre » sa philosophie en Europe.

La propagande est en marche. A ceci près: sur place, cultivateurs, propriétaires d’orangeraies et ouvriers agricoles, Juifs et Arabes, réussissaient à s’entendre pour doper le négoce. Jusqu’au moment où le sionisme, de plus en plus prégnant, décida de promouvoir exclusivement le « travail juif », excluant automatiquement toute velléité d’exploitation conjointe. Les orangeraies arabes finirent par être confisquées: à Jaffa, la Nakba réduisit la population palestinienne de 85 000 à 3000 âmes.

FANTÔMES

Eyal Sivan a le militantisme à fleur de peau, et il faut bien garder ce filtre en tête à la lecture de son documentaire. Mais en retraçant l’histoire de l’orange de Jaffa, devenue l’une des 2 marques les plus emblématiques de l’Etat d’Israël (avec les… fusils d’assaut Uzi), l’essayiste donne une leçon d’histoire à ceux qui comprennent mal la ranc£ur des Palestiniens, expulsés d’une terre sur laquelle ils vivaient paisiblement, souvent en bonne entente avec les premiers colons juifs, n’étant en rien les fantômes qu’une certaine propagande à voulu décrire.

Guy Verstraeten

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