Dour J2: la divine comédie de Sébastien Tellier

© Olivier Donnet
Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Génie régressif? Baudruche boboïsante? Gourou lubrique pataugeant en pleine période bleue? Sébastien Tellier fut tout ça, et bien plus encore, vendredi soir à Dour…

A la sortie de Sexuality, du côté de la programmation de Dour, on se vantait à qui voulait l’entendre de se faire fort de ne pas inviter ce clown boboïsant de Sebastien Tellier en terres hennuyères, raillant avec mépris Les Ardentes et autres festivals du genre maousse ouvrant alors grand leurs portes au Sébastien Chabal de la chanson française et ses compositions tout droit sorties d’un moite porno chic des familles. Bizarrement, la clique douroise accueille cette année Tellier comme le messie sur la plaine de la machine à feu alors même que celui-ci vient de sortir, et de loin, le moins bon album de sa discographie, My God is Blue, et ses délires new age mi-fendards mi-nauséeux. Allez comprendre…

Toujours est-il que sur le coup de 21 heures, vendredi soir dans la Marquee, l’ami Tellier débarque dans un halo de lumière bleue -quoi d’autre?- au son de son déjà fameux Pépito de la même teinte. Le prophète: « Mes chers amis, l’Alliance Bleue vous souhaite la bienvenue dans ce temple de lumière. » Ben tiens. Dans la foulée, sur l’improbable Against The Law, Tellier déclame, tout en moiteur surréalisante: « Coiffeur pour lui, pour elle / Coiffeur pour lui / C’est quoi cette histoire de coiffeur? / C’est n’importe quoi. » Avant de conclure: « Oui mais c’est beau. » Le show ne fait que commencer mais déjà, quelque part, tout est dit.

Sur scène, le trio guitare-batterie-clavier envoie la sauce, salace, à grand renfort de basses über saturées. Dour se transforme en Cochon Ville. Eclairage aux néons et lasers, décor en cristaux cheap d’un autre monde, logo hideux en fond de scène: le père Sébastien se donne, lunettes fumées, guitare futuro-kitsch en bandoulière, le cheveu long et rare, la veste en vachette Milka à épaulettes. « On a créé l’Alliance Bleue. On a besoin de fonds. Des enfants handicapés vont passer dans l’assemblée. » Tellier grimpe sur un podium de foire pour Russian Attractions, cathédrale sonore ouvrant sur Kilometer et de l’instrumental crapuleux tiré de Sexuality, tandis que, dans la fosse, les jeunes païens du coin crowdsurfent et clashent leur bière dans un bordel joyeusement illuminé. C’est chaud bouillant. Et, à vrai dire, on frôle même l’hystérie collective sur les « oh oh oh » dandys de Divine. Un mec à poil tente de monter sur scène, rate son coup. Le grand barbu, en nage, s’assied pour La Ritournelle. Puis L’amour et la violence. Et là c’est immense, et on ne rit plus. Enya rencontre Jean-Claude Vannier. Moroder se la raconte avec François de Roubaix. Ou quelque chose comme ça. En rappel, seul en scène, Tellier commence à jouer Roche puis s’éclipse sur ces derniers mots: « Je rêve de toi et moi main dans la main / Amoureuse de Sébastien. »

A nos pieds, true story, des montures de lunettes piétinées et une capote usagée. La messe est dite. Et cette question, en définitive: c’est quoi cette histoire de concert? Réponse: c’est n’importe quoi. Oui mais c’est beau…

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