Couleur Café: so happy together

Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Malgré prix et fréquentation en hausse, Couleur Café n’est pas -encore?- un méga-festival banalisé: on le fréquente très jeune, en famille, en couple, en grappe, avec le désir d’y voir des « stars » mais aussi d’y respirer un parfum métissé et communautaire. À la veille du n°24, quatre exemples en tandems.

« UN MONSIEUR ÉTAIT TOUT MOUILLÉ AU VISAGE: JAMES BROWN. »

LÉO ET LÉA, 12 ANS.

Léo et Léa, 12 ans
Léo et Léa, 12 ans© Philippe Cornet

L’un y va depuis l’âge de cinq ans un peu pistonné par papa -qui écrit ces lignes-, l’autre va peut-être s’y glisser pour la première fois fin juin. Ces deux meilleurs amis du monde (du BW) bourlinguent à peu près tout ensemble, faux frère et soeur de commune blondeur. Lui y est passé une demi-douzaine de fois depuis 2006. Cette année-là, il voit « un monsieur noir, tout mouillé au visage »: c’est James Brown sur grand écran et Léo a cinq ans. « Je me souviens des danseuses, elles étaient blacks aussi, cinq de chaque côté. Je ne savais pas qu’il était connu. Maintenant, il est vieux. » Disons mort. « J’adore l’atmosphère, il y a plein de bruits et puis aussi la bonne odeur des restos dans l’accès VIP, la cuisine différente chaque année (…). J’aime entendre l’ambiance des chanteurs qui sont à 100 mètres. » Parmi les déjà souvenirs, Ziggy Marley et Ben l’Oncle Soul. « J’y vais depuis que je suis tout petit, donc non, je n’ai pas l’impression que cela m’aide à passer à l’adolescence. Mes copains ne fréquentent pas le festival, même s’ils en connaissent certains chanteurs. » Toujours au rayon musiques noires, c’est Cee Lo Green et son « Fuck You » au titre transgressif qui servent d’aimant à l’édition 2013. Comme pour Léa, qui y ira peut-être: « Douze ans, c’est un bon âge pour aller dans un festival -l’été dernier, j’ai vu Raphael au BSF. Pour moi, c’est quand même un moyen d’entrer dans l’adolescence. Et puis, rester jusqu’à deux heures du matin, oui, cela m’excite. Léo, qui est mon meilleur ami, m’a dit qu’on y mangeait bien… »

« QUAND ON A ÉTÉ ÉVACUÉS DANS LA RUE À CAUSE DE L’INCENDIE, L’AMBIANCE EST RESTÉE CHOUETTE. »

MANON ET CHARLOTTE, 22 ET 23 ANS, ÉTUDIANTES.

Manon et Charlotte, 22 et 23 ans
Manon et Charlotte, 22 et 23 ans© Philippe Cornet

Manon (à gauche sur la photo) et Charlotte forment en quelque sorte le core business de Couleur Café: le public cible, jeune, ouvert, drainé par la musique mais aussi par l’idée de petite réunion entre amis « pour être zen, pas mort bourré dans les cailloux et via une ambiance toujours sans embrouilles. On se consulte dès que les premiers noms de la programmation sortent. » Charlotte: « La toute première fois, c’était avec mes parents puis à l’adolescence, j’ai été bénévole deux années de suite. Je me suis retrouvée au coeur du festival, j’y bossais cinq heures par jour et devais m’arranger pour aller voir les concerts durant les pauses. Depuis lors, j’y suis allée chaque année: c’est un peu le rendez-vous post-examens, le truc entre amis et l’annonce de l’été dans une atmosphère détendue, avec des concerts, des trucs sympas à manger et à boire. La majorité de mes amis y vont, même si on n’est pas tout le temps ensemble. » Manon acquiesce: « Couleur Café, c’est comme des vacances de trois jours avec différents styles de musique et de la nourriture de tous les pays. D’ailleurs, même quand il y a eu l’incendie (en 2007, ndlr) et que tout le public a été évacué du terrain vers les rues avoisinantes, l’ambiance est restée chouette. »

« ON SORT DE LA GHETTOÏSATION. »

MICHÈLE ET JENNA, 53 ET 15 ANS.

Michèle et Jenna, 53 et 15 ans
Michèle et Jenna, 53 et 15 ans© Philippe Cornet

La fille est métisse et réservée. La mère, née à Bruxelles de parents congolais, est volontiers bavarde. Toutes deux habitent un petit village du Namurois. Michèle découvre CC à la période des Halles de Schaerbeek -qui abritent les quatre premières éditions de 1990 à 1993- « Il y avait un sentiment d’intimité, rien à voir avec la future grosse machine. Depuis lors, j’y suis allée une dizaine de fois: je ne m’y connais pas incroyablement en musique, mais j’aime l’ambiance et l’exotisme du festival, le spectacle dans la foule bigarrée qui est aussi métissée que ce qui se passe sur scène. Tous les sens sont mis en éveil. » Question à cinq Zaïres: quand on a du sang africain, va-t-on à Couleur Café pour croiser la « diaspora »? Michèle: « Disons que le mélange de CC me plaît et m’interpelle. C’est plus prononcé que ce que tu peux voir dans les rues de Bruxelles: on sort de la ghettoïsation, on sent une forme d’intégration, on y voit des enfants et des couples dans une douce folie. » Jenna, 15 ans donc, y est allée gamine, à 7 ou 8 ans, puis retournée l’année dernière. Elle ne se pose pas forcément des questions sur le métissage, y a kiffé Sean Paul et Cali, des trucs dub ou reggae et, fille raisonnable, pourrait quand même s’y laisser dévergonder par la perspective d’un mojito, encore lui, bien frappé.

« ON S’EST PARLÉ SUR UN SITE DE RENCONTRES, ON A DÉCIDÉ DE SE VOIR À COULEUR CAFÉ. »

PHILIPPE ET SYLVIE, 44 ET 45 ANS.

Philippe et Sylvie, 44 et 45 ans
Philippe et Sylvie, 44 et 45 ans© Philippe Cornet

Lui est psy, elle travaille au Musée de l’Afrique Centrale de Tervuren. Ils habitent le nord de Bruxelles, à moins de deux kilomètres du festival. Philippe: « C’était le 2 juillet 2005, il fallait que l’on trouve le bon endroit pour fixer un premier rendez-vous après s’être intéressés l’un à l’autre sur un site de rencontres. Fallait un plan où l’on ne se sente pas coincés. » Sylvie: « Sur nos profils, on avait tous deux précisé qu’on aimait les cuisines exotiques et danser! Couleur Café rassemblait cela. » Au jour convenu, chacun étant « habillé en orange » -sarouel et foulard pour elle, pantalon pour lui- ils se retrouvent devant l’entrée du festival. Lui: « C’est un bon terrain parce que, justement, si on veut le traverser pour aller à un autre endroit, CC donne l’occasion de prendre l’autre par la main (sourire). Je me suis dit que si on ne se plaisait pas, on pourrait donc se perdre. » Ce ne sera évidemment pas le cas: de la main, on passe à la taille et la suite est déjà, comme on dit, un morceau d’histoire. Ce « mythe de la rencontre » -dixit Philippe- est intimement lié au festival, fréquenté à peu près une année sur deux avec la sensation d’y raviver à chaque édition « le goût des voyages et de la multiculturalité ». Début juin 2013, Philippe et Sylvie se sont mariés, et sa fille de 15 ans à lui, « a pris la succession »: pour la première fois, elle va se faire, en bande de copines, les trois jours (et nuits) de CC.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content