Festival des libertés: la sexualité des femmes dans l’Islam avec « Hymen National »

Le film « Hymen National- malaise dans l’Islam » met en lumière le sujet de la reconstruction de l’hymen chez les femmes tunisiennes et le docu « Dancing Boys in Afghanistan » celui de la prostitution des jeunes garçons afghans. Deux chocs.

Sans aucun doute, depuis sa lancée jeudi passé, le Festival des Libertés met cette année l’accent sur ces pays où les droits des femmes et des enfants sont bafoués ou reniés. Avec une trentaine de films documentaires coups de poing (sélectionnés parmi plus de 300), dont certains auteurs ont pris des risques pour les réaliser, la programmation du festival est riche, pertinente, s’indigne et nous indigne.
Lorsqu’on arrive au Théâtre National ce mardi soir, le lieu est chaleureux, lumineux. Les gens sirotent une pinte devant la salle de projection Huisman. Ils attendent l’ouverture des portes pour découvrir le film Hymen National-malaise dans l’islam, un film dont le sujet « fera polémique », selon l’organisateur et dont la diffusion a été censurée au Festival de Carthage et même chez nous au Halles de Schaerbeek, par la communauté musulmane. Ce documentaire controversé vient d’ailleurs d’être récompensé à Rome au MedFilm festival.

« Une femme qui dit que son corps lui appartient et qu’elle est libre ne devrait pas se marier. » Voilà ce que lance un jeune Tunisien dans les premières minutes du documentaire. Réalisé en Tunisie par le belgo-tunisien Jamel Mokni, le reportage lève un pan du voile sur une pratique de plus en plus courante dans le pays: l’hyménoplastie ou la reconstruction chirurgicale volontaire de l’hymen. Se faire « recoudre »: c’est parfois l’ultime solution pour ces femmes dépucelées avant le mariage qui ne veulent pas « perdre leur honneur ». Une fois au lit avec leur mari, la membrane reconstituée saignera, preuve pour l’homme que sa nouvelle promise n’a pas été le « territoire » d’un autre. Pour faire ce film, Mokni a rassemblé des témoignages de femmes et d’hommes pour en savoir plus sur cette « dictature » de la virginité et dénoncer l’hypocrisie d’une société en régression face aux droits de l’Homme. Il raconte dans une interview: « J’ai réalisé ce film parce que je veux parler de cette hypocrisie des hommes et protéger ces filles qui ont eu des relations sexuelles et qui ont perdu toute dignité. Le film est là pour dire: oui, les filles ont le droit d’avoir une sexualité avant le mariage.  »

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« Un panier déchiré »

Comment ces jeunes femmes en sont-elles arrivées à devoir se faire opérer pour « reconstituer » ce bout de chair et leurrer leur famille? « Il y a une libération des moeurs aujourd’hui, et les femmes se marient plus tard et font l’amour plus tôt qu’avant » raconte face caméra un médecin qui pratique régulièrement l’hyménoplastie. Il reçoit dans son cabinet beaucoup de femmes qui souhaitent l’opération. Il les écoute, les accompagne et leur donne même quelques conseils pour paraître inexpérimentées au lit et que leur époux ne soupçonne pas une vie sexuelle antérieure. « Je leur dis de se crisper un peu, de ne pas se concentrer sur l’hymen ». Dans la salle de projection du festival, l’anecdote fait rire. Mais on rit à défaut de pouvoir faire autre chose. Car si ça semble absurde, c’est pourtant bel et bien la réalité que vivent ces femmes. Et si notre quotidien se situe à mille lieues du leur (quoi que pas tant que ça…), on ne peut s’empêcher de s’identifier à ces filles, de tenter de comprendre leur émotions, leur combat pour se construire une identité et un avenir dans une société dominée par les hommes. Société de contradictions où elles peuvent sortir en boîte, se mettre en jupe, mais pas coucher avant le mariage.
Bien sûr, le culte de la virginité dans les pays arabo-musulmans est bien connu et ne date pas d’hier, mais les acteurs du documentaire dénoncent une aggravation de la situation. « La vie que mènent les femmes aujourd’hui n’est pas la même que dans les années 70. Les choses ont régressé depuis », explique une femme tunisienne qui se bat pour ses droits. Aujourd’hui, de plus en plus de jeunes filles (pas toutes, certaines arrivent à se préserver) ont des relations sexuelles en cachette. « Une fille qui perd sa virginité, elle n’est plus rien. Un panier déchiré qu’il faut recoudre ». C’est la charmante métaphore qu’utilise un jeune homme tunisien d’une trentaine d’années. Pour une femme du Maghreb, perdre son hymen, c’est sa mort sociale, elle devient une « prostituée » aux yeux de la société.

Mais le film pose aussi cette question: d’où vient réellement le problème? Des hommes, de la religion, de la tradition? « C’est une façon pour l’homme d’avoir l’emprise sur le corps de la femme, être le premier à conquérir le territoire… », raconte encore la femme tunisienne. Et elle se révolte : « Pourquoi est ce que ça doit être lié à la religion? Ca n’a rien à voir. Le Coran parle de relations hors et intra maritale, mais pas de la virginité de la femme! Ca, c’est nouveau, ça n’existait pas avant. «  Mais la faute n’incomberait pas qu’à l’homme. Les femmes auraient aussi leur part de « responsabilité ». « Elles ont intégré l’idée de la virginité, c’est devenu un comportement sociétal ». Certaines cependant s’insurgent contre cette toute-puissance masculine, mais leur combat paraît encore bien maigre face à une culture où même les chanteurs populaires font l’apologie de la chasteté: « La femme est un être fragile, il faut la protéger, lui montrer le droit chemin. Aucun homme ne doit jamais accepter une femme dépucelée », affirme le chanteur Balti dans le film. Et ils sont nombreux à penser ainsi. Les seuls qui ont osé protester pour les droits de la femme se sont retrouvés exilés ou simplement éliminés.

Réduite à un bout de chair

Si le documentaire de Moukni propose quelques pistes de réponses, la problématique reste floue, complexe et est loin d’être résolue. Le film a ce défaut : quand les lumières se rallument, on a l’impression d’avoir appris des choses, mais qu’on pourrait en savoir plus encore. Pour conclure, on retiendra du reportage ce coup de gueule d’une jeune Tunisienne en réponse à celui qui introduisait cet article: « Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi tu me réduis à ce détail là [l’hymen]? Pourquoi tu ne me vois pas comme un être humain à part entière, avec des sentiments et des émotions? Tu me rétrécis. Le fait que, pour toi, je sois bonne ou mauvaise n’est déterminé que par cette petite chose ». Le problème est bien là.
Et le rôle du Festival des Libertés, c’est bien de soulever ces questions, à défaut d’avoir les réponses.

« The Dancing boys… » ou la prostitution au masculin en Afghanistan

Autre film, autre sujet sensible et bien plus tabou encore – parce qu’on n’en parle pour ainsi dire jamais: la prostitution des jeunes garçons afghans. Ils sont ici appelés les « dancings boys » dans le titre, parce qu’en effet, ils dansent. Mais cela va bien au-delà. Dans un pays où la femme n’existe socialement pas, porte la burkha et reste à la maison, les jeunes adolescents prennent sa place. Et ainsi, très jeunes, dès 11 ans, ils sont repérés par des hommes plus âgés, sorte de « macs » qui leurs apprendront à danser et à jouer de la musique. Jusqu’à leurs 18 ans (âge au-delà duquel ils ne sont plus « désirables »), ils danseront avec des vêtements de femmes devant d’autres hommes plus âgés, dans des petits comités, et seront payés si tout va bien. L’homme qu’on suit durant ce documentaire tout bonnement percutant fait partie de ces « chasseurs » de garçons. Il les prend sous son aile et ne reconnaîtra jamais avoir de rapports sexuels avec eux, tandis que d’autres hommes interrogés dans le film dénonceront clairement cette pratique au sein du milieu. Ces préados recrutés sont manipulés et amadoués par leurs « professeurs ». Et pour ceux qui un jour ont une prise de conscience et s’enfuient, c’est en général la mort qu’ils trouveront sur leur chemin. Un documentaire à couper le souffle, qui met en lumière une pratique tue et révoltante, devant laquelle on se sent impuissants.

J.M. (stg)

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Bande annonce de « The Dancing Boys Of Afghanistan »(plusieurs fois primé, entre autres avec le prix Best Documentary au Amnesty International UK Media Award 2011)

Plus d’infos :

www.festivaldeslibertes.be (jusque samedi 26/11)

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