Myriam Leroy

Bien bon Bref

Myriam Leroy Journaliste, chroniqueuse, écrivain

Avec le programme court ‘Bref’, le Grand Journal de Canal+ a tiré le gros lot.

La chronique de Myriam Leroy

Bref, c’est un mec, Kyan, il fait du stand up et des capsules vidéo sur le cinéma depuis sa chambre et ça marche moyen pour lui. Et puis il a une idée. Raconter le quotidien d’un trentenaire citadin comme plein d’autres, ni snob ni beauf, juste normal. Et le faire en 1 minute 40, en empruntant plein de raccourcis -c’est ça qui est drôle. Il montre un pilote à Canal+ avec son acolyte humoriste blogueur par ailleurs, les gens là-bas lui disent que c’est « chant-mé » (enfin, ça, c’est lui qui l’interprète). Et depuis la rentrée, en une douzaine d’épisodes, sa séquence diffusée dans le Grand Journal est déjà devenue culte. Bref, il a eu une idée.

Bref, on aimerait bien ne pas l’aimer, tant un incroyable consensus semble se dégager à son propos -en général, ça nous paraît toujours suspect. On voudrait saisir le vent contraire pour vous le rapporter: il n’existe tout simplement pas. La télé, Facebook (où à l’heure de publier ces lignes, les adhérents de la fanpage dépassaient les 525.000), Twitter, la rue… Bref fait l’unanimité. Dans nos contacts Facebook, il y a même quelqu’un qui a écrit, avec une pointe de cynisme: « T’as pas encore posté de Bref sur ton Wall, gros?!? T’es trop 1.0. » Sur Twitter, une fan a osé: « Si t’as pas encore vu @brefserie t’as raté ta vie! #cestçaquondit? » Et plein d’autres ont publié une de ces pastilles en la commentant (« Ses tro vrai », « loool », « trop stylééé »).

Culture pub Faut plus chercher, le carton de la rentrée audiovisuelle, c’est Bref. Qui a su comme rarement capter l’air du temps, parler à la génération Club Dorothée de ce qui l’intéresse. De son comportement sur Internet, des entretiens d’embauche où elle se plante royalement, de son apathie, de ses parents, des relations amoureuses… Et qui s’adresse à ces pros du zapping sur un mode addictif: à toute vitesse. Sans s’appesantir sur des vannes, sans faire du gag pour le gag, sans expliquer son propos -si t’as pas compris, tant pis, le train est déjà loin. On est en plein dans le langage publicitaire, « Je » (on ne connaît pas le prénom du protagoniste) travaille ainsi son attitude de séduction « Je suis un homme, mais j’ai des fêlures », sur une musique mélo.

Hyper produit, monté sous acide, Bref est d’une efficacité imparable, pas toujours nécessairement hilarant, mais sans cesse surprenant. La pression sur les épaules de ses créateurs est maximale: on dit d’eux qu’ils ont rétabli l’esprit Canal, sauvé le Grand Journal, ils ne peuvent décevoir, ils sont attendus au tournant en permanence. La rançon d’une gloire fulgurante comme on n’en a jamais vue à la télé.

Pendant ce temps, sur les chaînes belges, on persiste à nous servir des Frères Taloche à la louche, on attend un énième Stûût, et l’une des vedettes du mercato RTBF-RTL est Richard Ruben. Notre humour cathodique est englué dans les années 90, et ses fêlures à lui sont comme des failles sismiques qui tiennent à l’écart toute une jeunesse en quête de poilade. Bref, c’est nul.

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