Laurent Raphaël

Réaction en chaînes

Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

La télé de papa agonise. Elle a même déjà un pied dans la tombe… Et si ce changement de régime annoncé n’était qu’une illusion d’optique?

L’édito de Laurent Raphaël

Comme le claironne PPD(A) en ouverture des Guignols de l’info, la télé c’est l’ancêtre d’Internet. Les jeunes préfèrent perdre leur temps et leurs neurones sur d’autres écrans. Même les plus âgés s’en remettent désormais à ses offices sans conviction. Elle est juste bonne à combler la solitude ou à tromper l’ennui d’un couple à bout de souffle. A croire qu’on pourrait retirer la prise sans troubler l’ordre public. D’autant qu’il est toujours possible de récupérer les meilleurs morceaux sur le Net. Parfois même avant qu’ils traversent l’Atlantique comme pour les séries.

Bref, c’est clair: la télé de papa agonise. Elle a même déjà un pied dans la tombe… C’est en tout cas l’impression qui domine en regardant les ados à l’oeuvre et en compilant les témoignages récupérés sur le zinc des bars, au hasard, de la place Flagey ou du parvis de Saint-Gilles. Vraiment? Et si ce changement de régime annoncé n’était qu’une illusion d’optique? En quittant les ghettos bobos, une autre réalité apparaît qui laisse en effet penser que la fin de règne n’est pas pour tout de suite. Tant mieux pour Arte, dommage pour les trop nombreux vendeurs de temps de cerveau disponible.

Chaque année, l’association des téléphages gagne de nouveaux adhérents. On passe en moyenne pas loin de quatre heures par jour devant la boîte à images. Autre signe que le mort est bien vivant: les télé-crochets type The Voice continuent à cartonner. Certes, en France, l’infréquentable TF1 perd des plumes, mais pas au profit de la lecture ou des arts de la scène, non, au bénéfice des nouvelles chaînes plus ou moins thématiques qui pullulent sur les larges boulevards numériques. Qu’on se le dise, la télé fait encore rêver. Son accès est moins cadenassé qu’à l’époque de Léon Zitrone ou de Jacques Martin. Mais elle reste la porte d’entrée la plus accessible, et donc la plus convoitée, pour rallier les cieux de la gloriole.

Le cinéma en fait d’ailleurs son miel en ce moment. Le dernier Matteo Garrone, Reality (lire le Focus du 2 novembre), décortique les effets dévastateurs d’une soudaine ascension médiatique sur une famille populaire napolitaine. Un sujet déjà abordé récemment avec une certaine lourdeur par Xavier Giannoli dans Superstar et sur le même mode du quidam le plus ordinaire brutalement propulsé sous les feux de la rampe, l’humour et les névroses en plus, par Woody Allen dans une séquence de son To Rome with Love. La télé continue de fasciner. Passer dans le poste vous transforme en surhomme. Ou en monstre protégé par l’écran, de fumée dans ce cas-ci… Sinon comment expliquer qu’il a fallu attendre le décès de l’animateur vedette de la BBC Jimmy Savile pour découvrir que l’idole de l’Angleterre tripotait tous les mineurs qui passaient par son émission musicale culte Top of the Pops? On parle de 300 victimes! Pendant toutes ces années, Savile a bénéficié de l’immunité médiatique. Écoeurant. Et inquiétant. On laisse le dernier mot à PPD(A): « Maintenant vous pouvez éteindre la télévision et reprendre une activité normale. »

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