Moderat (Modeselektor + Apparat), l’électro à double visage

Moderat (Modeselektor + Apparat) © Olaf Heine
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Quatre ans après un premier album, le supergroupe Moderat revient à la charge, entre pop électronique rêveuse et techno élégante.

My life as a DJ. « Aujourd’hui, on enchaîne les interviews jusque 22 h, puis on joue à Dour. Demain matin, retour au studio à Berlin, où l’on a rendez-vous avec Mykki Blanco (rappeur queer américain, ndlr). Dans la foulée, on se rend au Melt festival où l’on a notre propre scène pendant deux jours. Le dimanche est off, mais dès lundi on est en répèt’ jusque jeudi, avant de repartir le lendemain pour le Fuji Rock au Japon, retour prévu 48 h plus tard, etc. Cela fait un an que c’est comme ça. » Bienvenue dans le monde de Modeselektor, duo superstar de la scène électronique berlinoise. Attablé à une terrasse devant un américain-frites, le binôme se compose de Gernot Bronsert -casquette sur crâne glabre, le plus bavard- et Sebastian Szary -sosie vocal de l’inspecteur Clouseau. Manque le copain Sascha Ring (alias Apparat) pour obtenir la formule gagnante du jour: Modeselektor + Apparat = Moderat.

Les supergroupes sont une tendance relativement neuve dans la musique électronique. Si le projet Moderat a une dizaine d’années déjà, ce n’est qu’en 2009 que les trois potes se sont décidés à sortir un véritable premier album ensemble. La combinaison? D’un côté, les fanfaronnades des deux Modeselektor, de l’autre, le romantisme planant d’Apparat. Du moins c’est comme cela que les choses se présentent, vues de l’extérieur. Szary nuance: « Sur scène, Sascha a l’air très calme, très posé. Mais en dehors, c’est un animal (rires). He’s a raver! » Gernot Bronsert prolonge: « On ne dirait pas comme ça, mais il est bien plus fêtard que nous. Sebastian et moi avons tous les deux une famille, il faut qu’on se calme un peu. Sascha, lui, est assez seul, sans trop d’attaches… A un moment, en studio, il nous expliquait d’ailleurs qu’il était content de nous avoir, qu’on représentait une sorte de roc, auquel il pouvait se raccrocher. Et en même temps, il était surpris et rassuré de voir que malgré tout ça, nous n’avions pas vraiment changé depuis les douze ans qu’on se connaît. »

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Aussi évidente que soit devenue sa musique (quasi pop même, sur le single Bad Kingdom), Moderat reste un drôle d’assemblage. Pour la sortie du nouvel album, le trio a collaboré avec des biologistes: à partir de bactéries collectées auprès des intéressés, les scientifiques ont coloré les germes et reproduit le logo de Moderat, oeuvre vivante pour le coup, exposée notamment au Platoon Kunsthalle de Berlin. L’analogie est pertinente: si la musique de Moderat tient de l’expérimentation, du travail de laboratoire, elle est aussi éminemment incarnée et sentimentale. Bronsert: « Ce disque, c’est moins Modeselektor + Apparat, et davantage Sascha + Sebastian + Gernot. Soit trois amis, et plus deux groupes. Le premier album voulait rassembler le meilleur des deux mondes et convaincre les gens. Ici on a fait un truc pour nous. Jusqu’ici, Sascha chantait par exemple fort en retrait; ici, il est moins timide. Il ne faudrait peut-être pas l’écrire, mais en studio, je lui disais par exemple d’imaginer un mix entre Sigur Ros et Justin Timberlake… »

Dans Moderat II, on retrouve également des beats à la Burial (Therapy) ou des groove ouatés façon Four Tet ou Caribou. Et Berlin là-dedans? « Il n’y a pas de son de Berlin. Bullshit! »

C’est vrai. Par contre, il y a bien une histoire, à laquelle les trois sont intrinsèquement liés. « On ne fait pas de la musique ensemble parce qu’on adore absolument les disques d’Apparat. La raison première est qu’on est potes, et qu’on a le même esprit. » Tous les trois sont nés et ont grandi à Berlin-Est. « Avec Sascha, on vient du même côté de la ville, on a connu les mêmes expériences: la techno, la drogue, etc. On écoutait Underground Resistance, du hip hop. Mais surtout pas de guitares! C’est venu plus tard, milieu de la vingtaine, quand on est tombés sur les groupes post-rock de Chicago, comme Tortoise… Mais avant ça, on ne sortait pas pour aller écouter Nirvana par exemple. On allait au Tresor ou au E-werk (clubs techno légendaires lancés dans la foulée de la chute du Mur, ndlr). On était de gauche, parce que tous les gens cool ou qui avaient un peu de jugeote l’étaient. De l’autre côté, il y avait les skins et les nazis. Il fallait se positionner. Et courir plus vite qu’eux. (rires)« 

De là à imaginer Modeselektor ou Apparat comme des groupes politisés… « La politique ne devrait pas être reliée à la musique. C’est comme mettre du sel sur des fraises. Vous avez besoin de sel, c’est essentiel dans la vie. Et les fraises, c’est excellent. Mais combiner les deux ne fonctionne pas. Peut-être parce qu’en grandissant à l’Est, l’éducation musicale qu’on a reçue était toujours très orientée politiquement. Quand le Mur est tombé, on cherchait quelque chose qui ne dise rien. Moins en tout cas avec les mots qu’avec des sentiments. »

Le plein de super

Moderat n’est pas le seul supergroupe de la planète électro. La preuve.

1. DUCK SAUCE = ARMAND VAN HELDEN + A-TRAK

La scie Barbra Streisand, c’est eux. Ou quand un side-project permet à ses auteurs les pires cornichonneries disco-pop, tellement régressives (Big Bad Wolf) qu’elles en deviennent irrésistibles.

2. MAJOR LAZER = DIPLO + SWITCH

L’union sacrée entre les deux producteurs superstars a vécu. Depuis, Diplo est seul aux commandes, lorgnant plus que jamais vers le dancehall jamaïcain, transformant Major Lazer en machine à hits électropicaux (Watch Out For This).

3. MAGNETIC MAN = BENGA + SKREAM + ARTWORK

En 2010, trois légendes du dubstep se retrouvent pour un album en commun qui, à défaut de révolutionner le genre, leur ouvrira de nouvelles portes dans les charts.

MODERAT, MODERAT II, DISTR. NEWS. EN CONCERT À BRUXELLES, LE 28/09, AU BOZAR ELECTRONIC ARTS FESTIVAL.

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