Alain Corneau, le rire et l’amoureux

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Le réalisateur de Série Noire, de Tous les matins du monde et de Crime d’amour est mort à 67 ans. C’était un homme passionné et modeste.

Il y a bien sûr les films. Mais tous ceux qui ont côtoyé Alain Corneau se souviendront de son rire et de sa gentillesse. Un rire large, communicatif qui disait le plaisir de parler de cinéma, l’émerveillement à évoquer la passion qui l’animait. Alain Corneau était d’abord cinéphile avant d’être cinéaste. Et une gentillesse jamais démentie qui lui faisait accepter tous les entretiens dès lors qu’il fallait parler film noir, polar, Jim Thompson ou Du Rififi chez les hommes.

Alain Corneau était un passeur, un enthousiaste, un passionné, dont la modestie lui a toujours fait défendre le cinéma de genre (polar, western) longtemps balayé d’un revers de main par l’intelligentsia. Il aimait le cinéma viscéralement, constamment prêt à faire partager sa passion lors d’un débat devant une salle pas forcément remplie, à l’occasion d’un festival paumé ici ou là.

Et puis il y a Alain Corneau, réalisateur. Qui, évidemment, s’est plu à rendre hommage au cinéphile qu’il fut et à raconter les histoires qui l’avaient fait vibrer. Le film noir occupe donc une large part de sa filmographie: Police Pyhton 357, son second film après France Société anonyme et déjà exemplaire; La Menace ; Série Noire (la plus belle adaptation d’un roman de Jim Thompson); Le Choix des armes avec un casting gratin: Deneuve, Montand, Depardieu.

En 1989, Alain Corneau allait surprendre son monde et prouver qu’il savait s’affranchir des voyous et des flingues avec Nocturne indien et Tous les matins du monde. Ces deux films marquent à la fois une rupture et une continuité. Une rupture esthétique: d’un côté le portrait d’un homme à Bombay; de l’autre, la vie, sous Louis XIV, de Marin Marais et de son maitre Monsieur de sainte-Colombe, pape de la musique baroque. Mais une continuité dans les thèmes abordés: la place de l’homme dans le monde (thème essentiel au polar également, on ne se refait pas) et la transmission.

Ses films suivant, il faut bien le dire, seront moins convaincants: Le Cousin (pas mal), Le Prince du pacifique (raté), Stupeur et tremblements (surprenant), Les Mots bleus (anecdotique), Le deuxième souffle (hommage trop appuyé à Melville).

Crime d’amour, son dernier film, sorti le 18 août, était un retour au polar avec femme fatale, trahison, vengeance et machination. Le résultat n’est pas à la hauteur mais on y devine tout de même l’amour qu’Alain Corneau portait à son métier, aux acteurs et actrices et la passion pour un univers qui lui a donné ses plus grandes émotions.

Alain Corneau est mort à 67 ans d’un cancer. Mais son rire est vivant.

Eric Libiot

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