Critique

Quand le jeu vidéo mélange pop culture et surréalisme

Cave! Cave! Deus Videt © DR
Michi-Hiro Tamaï Journaliste multimédia

S’éloignant sans complexe du style de Jérôme Bosch, Cave! Cave! Deus Videt n’en livre pas moins un enseignement talentueux sur l’oeuvre du maître. Suivez le guide.

Jérôme Bosch n’est pas mort. Le peintre hollandais du XVe revit même sur CAVE! CAVE! DEUS VIDET de We Are Müesli. Le titre de cet art game traduisible par « Attention! Attention! Dieu vous voit » s’inspire en fait d’une inscription annotant Les Sept péchés capitaux et Les Quatre dernières étapes humaines de Bosch. Lauréat en octobre dernier d’un concours organisé par le Stedelijk Museum de Bois-le-Duc (pour le 500e anniversaire de sa mort), le binôme milanais spécialisé en récits interactifs a ici la bonne idée d’éviter une approche didactique et poussiéreuse des oeuvres torturées du maître.

We Are Müesli part ainsi d’une excursion scolaire versant entre pop culture et surréalisme pour démarrer son récit. Amateur de punk rock, un ado à capuche surnommé Hoodie -mais aussi Luke Skywalker- se retrouve ainsi coincé dans plusieurs dimensions lors d’une visite muséale. Les dialogues fous amenés par des rencontres (qui le sont tout autant) mènent à des questions à choix multiples et surtout à un gameplay comparable à une espèce de Où est Charlie? Le tout pour une analyse en détails du triptyque de La Tentation de Saint Antoine. Au gamer de retrouver, sur base d’une poignée d’indices écrits, des détails de la toile aux mille scènes horrifiques.

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Bosch en pop art

Ce procédé au gameplay décharné mais marquant demande un vrai effort d’analyse pour retrouver, entre autres détails, « un démon à la tête de renard » parmi une centaine d’autres scènes du triptyque. La plongée dans une reproduction originale de cette oeuvre vertigineuse permet d’en saisir certaines bribes. Mais le style graphique de ce récit interactif ne se limite pas au coup de pinceau de Bosch. Le volet aventure du jeu mise ainsi sur une ligne claire, abstraite et proche du pop art.

Certaines créatures animalières, diaboliques et familières du maître y sont transfigurées dans des versions simplifiées. Mieux: des effets graphiques anachroniques pointent. Le résultat, époustouflant, évoque ainsi des vidéos surréalistes de La Tentation de Saint Antoine de Georges Méliès. L’expérience, pas exempte de défauts (notamment l’absence de validation de certaines découvertes faites par le joueur), éveille en tout cas la curiosité. Suffisamment pour (re)découvrir ce peintre qui a influencé les surréalistes.

Pas un vrai jeu?

Lauréat parmi les 16 participants du Bosch Art Game 2013, CAVE! CAVE! DEUS VIDET a été récompensé par un jury castant entre autres le responsable de la Global Game Jam (un concours de création de jeu vidéo dans un temps limité) et le curateur de la fondation Jérôme Bosch 500. Le studio composé de Claudia Molinari (aux dessins) et Matteo Pozzi (derrière le pitch) avoue ne pas être joueur. Mais la valeur du projet tient aussi dans cette approche: celle d’artistes extérieurs au medium ludique qui s’en emparent pour un projet doué. De quoi poursuivre sa vie hors du concours, notamment lors de l’Indie Cade au dernier E3.

  • Récit interactif édité par le Stedelijk Museum de Bois-le-Duc et développé par We Are Müesli, âge NC, premier épisode disponible gratuitement sur PC/Mac/Linux sur www.wearemuesli.it

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