Critique | Livres

Trouble Is My Business

Laurent Raphaël
Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

MANGA | Le mangaka est devenu un monstre sacré sur le Vieux Continent avec des récits épiques célébrant la confrontation entre la nature et l’homme (Le sommet des Dieux) ou faisant vibrer la corde d’une nostalgie teintée de fantastique (Quartier lointain).

TROUBLE IS MY BUSINESS DE JIRÔ TANIGUCHI ET NATSUO SEKIKAWA, ÉDITIONS KANA, 310 PAGES. ***

A la croisée de deux cultures, la japonaise et l’européenne, son style poético-métaphysique dopé à la Ligne claire lui a valu les honneurs de nombreux prix à Angoulême et d’une adaptation au cinéma. Avant de devenir ce sage au trait épuré et aux questions existentielles, Taniguchi a visité les étages inférieurs de la grande maison BD. Au compte-goutte, ses éditeurs nous font découvrir ses autres visages. Après le Taniguchi gastronome (Le gourmet solitaire), le Taniguchi historien (Au temps de Botchan), voici le Taniguchi hard-boiled. Une surprise? Pas vraiment. Le dessinateur est entré dans les ordres graphiques par cette porte dérobée à l’orée des années 70, quand la culture américaine a inondé le Japon. Trouble Is My Business, paru à l’origine en feuilleton entre 1979 et 1980, est une version débridée du polar, détournant les codes du genre en y injectant une dose d’immoralité et d’extravagance, voire d’érotisme, le tout conférant à ce Marlowe nippon un côté pulp assumé plutôt jouissif. Comme il se doit, Jôtarô Fukamachi est un détective privé à la vie désordonnée. Sans gêne, toujours fauché et en proie à des maux d’estomac chroniques, il ne ménage pas sa peine pour résoudre les affaires qui lui sont confiées, quitte à prendre des mauvais coups ou à en donner -la… morsure étant son arme favorite. Si les épisodes sont un peu répétitifs sur la longueur, on est bluffé par la modernité d’un « héros » qui s’est fait larguer par sa femme et ne s’embarrasse pas des conventions. Dans un noir et blanc cendré, la nature humaine est dépeinte sous un jour cru, la violence et la misère sociale affleurant au détour de chaque enquête. A se demander ce que Taniguchi nous réserve encore…

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