Les Ardentes J4: Dimanche pantouflard avant une massive attaque

Robert Del Naja (3D) et Grant Marshall (Daddy G), cofondateurs de Massive Attack. © Hamish Brown
Elisabeth Debourse Journaliste

Le dernier jour du festival Les Ardentes n’étonne pas par l’originalité et la qualité de sa programmation, mais offre un final jouissif signé Massive Attack.

Les programmateurs avaient-ils prévu la gueule de bois et la fatigue désormais difficiles à combattre des festivaliers pour ce quatrième et dernier jour de festival ? Toujours est-il que les artistes immanquables ne se disputent pas les plages horaires de ce dimanche, permettant au public de s’octroyer une grasse matinée bien méritée après une nuit entamée avec un Dan Snaith (Caribou) généreux et visiblement heureux. En fin d’après-midi, les Allemands de Milky Chance offrent un réveil en douceur. Les pieds dans une boue collante, mais le visage chatouillé par les premiers rayons de soleil depuis bien longtemps, le groupe pop folk qui squatte les stations FM avec son Stolen Dance donne le sentiment d’une matinée passée dans le lit d’un inconnu, charmant certes, mais avec peu de conversation. Les ritournelles portées par la voix gravillonneuse de Clemens Rehbein tournent en rond, comme on pouvait s’y attendre.

Le chanteur et guitariste de Milky Chance, Clemens Rehbein.
Le chanteur et guitariste de Milky Chance, Clemens Rehbein.© Olivier Donnet

La pseudo-ténébreuse BANKS succède au groupe sur la main stage. Est-ce sa participation musicale à une pub Victoria’s Secret ou tout simplement son incapacité à assumer une présence sur scène qui lui font répéter les allers et retours façon catwalk pendant ses morceaux ? Le show est ennuyeux, voire agaçant, et ce n’est pas la voix de la très américaine, trafiquée à la truelle, qui relèvera le niveau du concert. Au bout de l’étroite avenue du festival, Elena Tonra de Daughter relève le niveau. Rock brumeux et sombre, parfois bien plus ébranlant que sur disque, les jeunes Anglais charment ceux qui ne les connaissaient pas encore et honorent leur déjà acclamé If You Leave. HF6 toujours, Ben l’Oncle Soul lance des « hallelujah » presque embarrassants devant un public relativement peu emballé. Pour sa défense, on pointera tout de même que le chanteur français signé au Motown hexagonal doit rivaliser avec une finale de Coupe du monde qui se joue juste à côté, dans un Aquarium dont les poissons terreux fixent un écran, eux aussi sans grande conviction. Plus tard, Selah Sue tente de réchauffer l’atmosphère, mais il faut dire qu’on en a soupé de son Raggamuffin et que le show n’offre strictement rien de nouveau que ce qu’on pouvait y voir il y a quatre ans de cela, si ce n’est moins de volume dans la chevelure de la Flamande. Notez tristement que c’est tout ce qu’on aura retenu de son concert.

Elena Tonra de Daughter
Elena Tonra de Daughter© Olivier Donnet

Mais une bonne heure plus tard, la foule est à nouveau agglutinée au pied de la main stage, les pieds mouillés pourtant moins nombreux que la veille au concert du maestro belge. La moyenne d’âge fait un bond d’une décennie ; enfin, les plus de vingt ans vont en avoir pour leur argent, avec la dernière tête d’affiche du festival, qui jusqu’ici avait tout de même fait la part belle aux jeunes groupes et aux premiers albums. Massive Attack prend enfin possession de la vaste scène, avec ses deux batteries, ses écrans pivotants et ses musiciens et apparitions vocales jubilatoires. Martina Topley-Bird assure la première partie du spectacle, avec notamment un Psyche apocalyptique, décevant pour quiconque s’attendait à retrouver la douceur inquiétante du morceau produit par John Downer, mais apoplectique pour les autres.

L’ex-compagne de Tricky, plumes corbeaux sur les épaules, est soutenue par un Horace Andy vieillissant, mais d’une sincérité troublante dans ses prestations au sein d’un show millimétré. Et pourtant organique. On est loin de la machine qui ne se grippe jamais mais dénuée de ferveur de certains groupes mythiques. Il y a des tripes, des explosions, de l’envie, toujours. Dont celle de contenter un public musicalement, mais aussi visuellement, avec un light show et des mots, des chiffres, des faits, qui défilent sur les écrans dans un style typiquement Massive Attackien. Drogues sociétales, titres de presse belge, recherches Google de notre temps (et donc inquiétantes), dénonciations sur fond de guerre d’Iraq et de conflit israélo-palestinien clignotent dans un tourbillon anxiogène, mais ô combien adapté à la noirceur du son du groupe de Bristol. Les mots « Naissent égaux », « ass » et « Internet » s’associent pendant Safe From Harm, porté par la voix de la soul woman Deborah Miller. Le spectacle visuel occupera ainsi les néophytes ou les sceptiques du trip-hop pendant le concert d’une heure trente avec les messages contestataires chers à l’ex-graffeur 3D. Il faudra attendre Splitting the Atom (le concert se focalise en effet énormément sur Heligoland) pour voir débarquer le géant classieux Grant Marshall et sa voix d’outre-tombe. Robert Del Naja lui donne la réplique et les coeurs se serrent, après quatre jours passablement décevants. Si c’est ce qu’il fallait pour entendre ce genre de concert enfin véritablement ardent, on reviendra au festival liégeois, c’est certain.

Les photos de la quatrième journée du festival Les Ardentes.

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