Michael Jackson, Bad & good times

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Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Successeur de Thriller, Bad, aujourd’hui réédité, incarne la guérilla que Michael Jackson se livre à lui-même dans une médiatisation hyperbolique.

MICHAEL JACKSON, DOUBLE CD BAD 25 ***, DVD LIVE AT WEMBLEY JULY 16, 1988 ****, DISTRIBUÉ PAR SONY MUSIC.

Au Westlake Recording Studios de West Hollywood, où Bad s’enregistre entre janvier et juillet 1987, on a construit une scène en bois pour que Michael Jackson puisse « danser » quand il chante ou écoute sa voix surgissant des retours. Cinq ans après la sortie de Thriller -entre 42 et 100 millions d’albums vendus selon les sources-, pour le Peter Pan de la dysfonctionnelle famille Jackson, « the sky is the limit » . C’est le sentiment qui déborde de l’écoute, un quart de siècle plus tard, d’un disque hautement surproduit, surchauffé, bourré de synthés défraîchis et de séquences musicales aujourd’hui partiellement démodées, tout juste vainqueur aux points grâce à la voix thermonucléaire du génie malheureux et de quelques grandes chansons. Dans une époque pré-Al-Qaïda, pré-Guerres du Golfe, pré-rumeurs pédophiles et autres amuse-gueules anxiogènes, un Michael Jackson toujours noir -l’éclaircissement pointe néanmoins son derme- aborde son septième disque solo en conquérant absolu.

L’artillerie mise en place par le coproducteur Quincy Jones est à la fois triomphante et, avec le recul, un chouïa désu- ète. La faute sans doute aux stigmates sonores de cette fin des années 80 exhibitionnistes où même Jackson, surtout lui, a pour vocation d’étaler toute sa réussite en Mondovision. Il en conçoit un combat qui, dans la plage titulaire, est mis en scène par Martin Scorsese: dans le clip devenu fameux, le chanteur, tout zip et cuir, incarne un présumé chef de gang, absolument pas crédible mais si fort contaminé par le succès global que tout le monde s’efforce d’y croire. Bad, le single, se vend à plus de huit millions d’exemplaires et devient l’un des cinq titres de l’album trônant à la première place des charts américains: neuf des onze chansons du disque sortent d’ailleurs en singles et le CD devient la cinquième meilleure vente de tous les temps, entre 30 et 45 millions de copies écoulées. Mais le résultat est de toute évidence artistiquement inférieur à Thriller: peut-être à cause de cette « bad » mise en scène, plus grotesque que pertinente, certainement à cause d’une carrosserie sonique bling bling pillant nombre d’émotions. Les morceaux marquants s’ajustent davantage dans les ballades qu’au rayon funk carnivore: quand il sert du sirop (Liberian Girl, I Just Can’t Stop Loving You), Michael est encore le meilleur barman du monde. Quitte à ce que les bonus du second CD proposés par ce Bad 25 ne ramènent rien d’inouï, plutôt du secondaire ou du kitsch, comme Je ne veux pas la fin de nous (sic) où Michael chante dans une sorte de français… Reste la tournée 1988, passée par Werchter, filmée ici en vidéo sans grâce, au Wembley Stadium londonien, où l’artiste de tout juste 30 ans livre son sidérant talent. La suite, connue, sera moins cosmique.

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