Critique | Musique

Modeselektor – Monkeytown

TECHNO | Techno, house, rap, house music… Modeselektor continue à proposer des modèles full options. Ludique et gourmand.

La scène berlinoise n’est évidemment pas une. Depuis la révolution techno, qui a accompagné la chute du Mur, la capitale allemande a fait bouillonner la marmite électronique avec ses spécialités locales -un goût jamais dénié pour la techno, un penchant certain pour la minimale-, mais sans non plus jamais porter d’oeillères. Boys Noize (né à Hambourg, mais basé à Berlin) est un exemple de franc-tireur. Modeselektor en est un autre: le duo formé par Gernot Bronsert and Sebastian Szary a souvent jonglé entre ses racines, son identité techno et ses autres envies musicales.

Il y a 2 ans, Modeselektor sortait avec le camarade Sascha Ring (Apparat) le projet Moderat, exercice techno diablement efficace. Aujourd’hui, coïncidence des agendas, leurs nouveaux albums respectifs sortent à quelques jours d’intervalles. Avec 2 approches radicalement opposées. D’un côté, Apparat a pondu The Devil’s Walk, disque monochrome, presque uniformément pop. Des morceaux à la Sigur Ros, plongés dans une même mélancolie éthérée. A l’inverse, Modeselektor sort, pour la première fois sur son propre label, un Monkeytown qui part dans tous les sens, ne repassant jamais 2 fois par le même endroit.

Tranches de Yorke

De la part de Modeselektor, ce n’est pas forcément une surprise. Encore faut-il réussir l’exercice. Ça part plutôt bien: Blue Clouds lorgne du côté de la bass music la plus soul, où le beat est dur, mais le trip rêveur, quasi psychédélique. Ceux qui ont accroché l’an dernier au Cosmogramma de Flying Lotus devraient apprécier. Dès le morceau suivant, changement de décor: Pretentious Friends est un rap électro tongue in cheek. La voix constamment déformée par les bidouillages du duo, le rappeur américain Busdriver est le premier invité à se présenter. Le suivant est fameux: Thom Yorke, grand fan des Allemands, vient geindre comme il sait si bien le faire sur Shipwreck. D’humeursombre et urbaine, le titre n’aurait pas dépareillé sur le dernier Radiohead, The King of Limbs.

La suite? Elle va des accents acid house de l’excellent Evil Twin au plus directement techno German Clap, en passant par les chants zulus de War Cry. A la moitié du disque, Berlin se balade dans la grisaille urbaine, entre déraillements IDM et dubstep, avant de se laisser déborder par la voix soul de la rappeuse roumano-allemande Miss Platnum. Evidemment, cela ne réussit pas à tous les coups. This, par exemple, 2e morceau sur lequel vient se greffer Thom Yorke, ne démarre jamais vraiment; tandis qu’Anti Pop Consortium n’arrive pas à rendre passionnant Humanized.

Soit. Modeselektor ne peut pas avoir le beurre (multiplier les angles d’attaque) et l’argent du beurre (tirer le gros lot à chaque fois). Evidemment, il s’agit d’un disque de stylistes. Mais de sa diversité qui pourrait être son plus gros handicap -qui a encore envie d’un énième collage de genres?-, Monkeytown en joue, pour créer sa propre cour de récréation. Et, au final, l’emporter largement aux points.

Laurent Hoebrechts

Modeselektor, Monkeytown, distribué par Monkeytown Records/News. ***
En concert le 29/10 au Bozar Electronic Weekend à Bruxelles.

Modeselektor « Monkeytown » (MONKEYTOWN015) OUT BETWEEN SEP27-OCT04 by Modeselektor

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