Critique | Musique

Pulp – It**/Freaks****/Separations

POP | Fire Records réédite les trois premiers albums de la bande à Jarvis Cocker. Des disques aussi surprenants que méconnus.

PULP, IT ** – FREAKS **** – SEPARATIONS ***, DISTRIBUÉ PAR FIRE RECORDS.
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On a souvent tendance à oublier l’âge avancé de Pulp. Avec Supergrass et Blur, le groupe le plus intéressant de la Britpop. Oui, Pulp a passé 30 ans et Jarvis Cocker, mine de rien, fêtera ses 50 piges l’an prochain. On connaît pourtant mal, très mal, tout ce qui précède le milieu des années 90, l’album His’n’Hers et le single Do You Remember the first time?, puis l’impeccable Different Class. Fire Records répare cette cruelle injustice et réédite aujourd’hui les trois premiers albums du brillant et cultivé groupe de Sheffield.

Flash-back. Elevé par sa mère (son père s’est taillé en Australie pour ne pas payer de pension alimentaire), Jarvis veut devenir astronaute mais devant l’inaccessibilité de son rêve se contentera de la célébrité. Il fonde son premier groupe, Arabicus Pulp, à 15 ans et quand ses camarades l’abandonnent pour poursuivre leurs études, il en trouve d’autres et enregistre It. Le premier disque de Pulp. It (1983) dévoile un chanteur très approximatif et pour tout dire ressemble moins à du Pulp qu’à du Smiths bas de gamme. Des ballades avec des guitares sèches et plein d’arrangements de cordes.

A l’époque, Mister Cocker est déjà bien atteint du ciboulot. En 1986, il se prend pour Spider-Man afin d’impressionner une jeune femme et tombe par la fenêtre. Il doit passer deux mois à l’hôpital, un an en fauteuil roulant. Et se met à incorporer l’accessoire à ses concerts.

L’ombre et la lumière

Enregistré en quelques jours pour la modique somme de 600 livres, Freaks voit le jour le 11 mai 1987. Jarvis s’est adjoint les services du guitariste Russell Senior, amoureux des climats sombres du rock gothique, tandis que Candida Doyle effectue ses débuts aux synthétiseurs. Freaks est plus âpre, plus rêche, plus sinistre… Plus convaincant aussi même si certains lui reprochent sa production sommaire. Comme le laisse entendre Fairground, ouverture cinglée et inquiétante de cette petite merveille, et le très pop I Want You, Pulp lorgne autant cette fois du côté de Nick Cave que de la bande à Morrissey. Ce qu’attestent les singles Little Girl et Dogs Are Everywhere offerts en bonus en même temps que le flippant et renversant Tunnel.

En 1988, Jarvis part pour Londres et entame des études de cinoche à St Martin’s College où Steve Mackey remplace son bassiste parti rejoindre une secte, le cerveau grillé par le LSD. Les mois passent. Pulp est pratiquement laissé pour mort quand Cocker enregistre son troisième album, en 1989. Galère pour trouver une maison de disques. Separations ne cessera de prendre la poussière qu’en 1992 grâce à un label de Rennes. Pulp a découvert les raves et l’Acid House (Countdown, This House Is Condemned…) mais se veut toujours fan de Serge Gainsbourg et de Leonard Cohen. De Bryan Ferry et de Roxy Music. Comme dit Jarvis, « Pulp est à la fois ombre et lumière ». Il était temps que sa vieille lumière sorte de l’ombre et que son obscurité d’antan soit enfin mise en lumière.

Julien Broquet

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