Let’s go Walloon Rock’n’Roll

© Olivier Donnet

Ils ne passent jamais à la télé, très peu sur les ondes, et marchent souvent moins bien chez nous qu’à l’étranger. Les rockeurs wallons, les vrais, sont-ils sacrifiés sur l’autel du radio-friendly?

Rock’n’roll is dead chantait il y a 15 ans ce poseur de Lenny Kravitz. Et beaucoup ces derniers temps semblent enclins à entonner le même refrain. En Wallonie, malgré l’indifférence des médias, quelques rockeurs old school continuent de défendre la « musique du diable ». De Mons à Liège en passant par La Louvière et Charleroi.

Giacomo Panarisi (Hulk, Les Anges, Romano Nervoso) est de ceux-là. « Tout est programmé pour qu’on reste chez soi ou du moins qu’on ferme notre gueule et suive le système, s’emballe-t-il. C’est comme les manifs. Les vraies. Plus personne n’y va. On endort la société. Et faut bien se dire que c’est pas Lucy Lucy et les Tellers qui vont la réveiller. Le politiquement correct est généralisé. Faut pas être violent, pas provoquer, pas jouer trop fort. Le rock (et je suis gentil) d’aujourd’hui n’est plus une affaire de rébellion. Il est le passe-temps de chouettes gosses relookés. »

Jeunesse privilégiée, gamins anesthésiés… Il y a sans doute un peu des deux… « Quand tu fais du rock, selon moi, t’as un problème. Total respect aux Girls in Hawaii. Mais t’as pas de groupe violent qui vient de Braine-l’Alleud ou de Waterloo. Les trucs qui déménagent, ils sont de La Louvière, Liège, Charleroi, Anvers… A La Louve, on est tous issus de l’immigration. Nos parents ont ramé, tenté de nous donner une bonne éducation. J’ai pas crevé la dalle mais j’ai eu mes premières Nike à 15 ans… Entre la mafia et les bandes, faut se faire respecter. Et le meilleur moyen, c’est pas de chanter je t’aime mon amour à la guitare acoustique. C’est d’en envoyer plein la tronche. »

Le rock’n’roll chez nous n’est pas, ou à tout le moins plus, le fait d’une jeunesse révoltée et en colère. Tropic, Romano… Tous des mecs de 30 ans au moins. Mieux. Ronald Dondez, le guitariste des Driving Dead Girl, a déjà 42 piges. « Je gratte depuis l’âge de 20 ans mais j’ai toujours eu envie de faire du rock. Je suis né en 68. Je n’ai toujours écouté que ça. Ma mère me ramenait des cassettes d’AC/DC quand elle allait au marché… Aujourd’hui, en Wallonie, mis à part un truc comme les Tangerines, un projet très psyché sixties, les gosses font de l’électro pop. C’est ce qui passe en radio et ce qu’il faut faire pour y être diffusé… Un bazar consensuel, immédiat. Une structure couplet-refrain de deux à trois minutes. Une intro de huit à dix secondes… »

« Nos seuls passages à l’antenne, c’est chez de Pierpont. Ou de temps en temps dans Dr Boogie qui diffuse un morceau de notre première démo, relève Devil D’Inferno, batteur de The Experimental Tropic Blues Band. En Flandre, participer à la B.O. de Ex Drummer nous a servi de carte de visite. Là-bas, on a déjà moins peur du rock’n’roll. On en passe à la radio en journée. Tu peux facilement entendre un Triggerfinger ou un Black Box Revelation. »

« Le milieu est dirigé par ce que j’appelle la mafia pop folk. Peu de personnes que tout le monde connaît, enchérit Giacomo Panarisi. Quand t’es pas dans leurs petits papiers, tu survis… »

Que ce soit sur Classic 21 ou Pure FM (les autres ça ne vaut même plus la peine d’en parler), le rock’n’roll semble avoir été lâchement abandonné. Rock a gogo (rebaptisé The Rock Show), qui, un temps, à la scission de Radio 21, a même été réduit à un statut d’hebdomadaire, a au fil des années été relégué en seconde partie de soirée et a été amputé d’une demi-heure. « La progra d’une radio, ce sont des choix esthétiques et commerciaux, note son présentateur, le légendaire Pompon. Aujourd’hui, on a peur de perdre un dixième de point d’audience. En journée, jusque 22 heures, c’est donc priorité au easy listening. Faudrait pas heurter les gens… Une vraie obsession. Ce qui vient de Communauté française et passe sur les ondes, c’est donc de la pop limite fabriquée sur-mesure pour la radio. »

Les stations ne marchent pas pour autant. « La radio souffre de la concurrence, de l’avènement d’Internet… Puis, le rock n’est plus la culture fédératrice de la jeunesse. Le hip hop et les musiques électroniques sont passés par là. Finie l’opposition rock-variété d’antan. Tout le monde s’en fout. Les gens picorent. Le fan de hard s’éclate dans des soirées house. Mais bon, je déplore l’indifférence crasse, assez incroyable, réservée par les radios à ces groupes de rock’n’roll. On dirait que le rock est banni. Sauf quand il parvient à toucher tellement de monde qu’il devient incontournable. »

Bad reputation

Ce que tous ces groupes rock’n’roll made in Wallonia ont en commun, c’est qu’ils se sont taillé leur réputation sur la route. « Nos premiers concerts, nous les organisions nous-mêmes. Dans des petits restos et des cafés, se souvient Devil D’Inferno. La première fois qu’on a joué à l’AB, j’avais appelé Clear Channel en suggérant qu’on assure la première partie des Cramps. On s’est vraiment fait connaître sur scène. »

Le problème, c’est que la Belgique, entre l’étroitesse du pays, la frontière linguistique et musicale puis le manque d’infrastructures en Communauté française, on en a vite, très vite, fait le tour. C’est à l’étranger, aux Pays-Bas et en Allemagne, qu’Hulk a commencé à faire oublier Bruce Banner. « La différence, tu l’entends déjà au H&M, remarque Giacomo dont le CV arbore un enregistrement au Rancho de la luna sur invitation de la clique à Josh Homme. Ici, tu y entends Stromae. Aux Pays-Bas, les Queens of the Stone Age… C’est bien simple. En Hollande, nous passions sur les ondes en journée. »

Plus récemment, les Montois de Driving Dead Girl, distribués par Pias chez nous, ont trouvé un label en France, Bad Reputation, grâce à une critique dans l’album de la semaine sur Canal+. « En tant que Wallons, on voit toujours un peu les Français comme des blaireaux mais ils sont quand même bien rock’n’roll, reconnaît Ronald Dondez. Ils sortent en semaine et quand ils vont voir un concert, c’est pas juste pour boire des pintes avec un fond musical. »

With a little help…

Et les pouvoirs publics dans tout ça? Aussi « rock defender » que « pop friendly »? Pas sûr. « La première Boutik Rock à laquelle nous avons participé nous a filé un bon petit coup de pouce, admettent les Tropic. Derrière, nous avons décroché des premières parties dans de chouettes salles. » « Le seul truc, c’est qu’il y a beaucoup moins de groupes rock dans la prog qu’il y a dix ans, reprend Pompon. Et on ne peut plus prétendre que c’est trop amateur. Ancien argument pas toujours faux mais souvent brandi un peu trop facilement. »

« Nous avons eu droit aux aides de la Communauté française mais avant d’engager Bertrand Lepinois comme manager, nous pouvions oublier, déplore Ronald. J’ai constitué un dossier, passé des coups de fil mais on m’a envoyé bouler. « C’est quoi votre actu? » « Je ne sais pas monsieur, on va vous resonner »… J’ai vraiment le sentiment qu’il faut avoir été introduit… Je comprends qu’on doive avoir fait ses preuves mais on ne peut pas s’arrêter à des questions de contact, d’intermédiaire pour soutenir des artistes… »

The Experimental Tropic Blues Band

Les Liégeois, qui joueront d’ici peu à Memphis dans le cadre du Beale Street Music Festival, viennent d’enregistrer à New York avec leur père spirituel, le sieur Jon Spencer. Explosif, déjanté, décadent, énervé, exhibitionniste, sexuel et foutrement rock’n’roll, l’Experimental Tropic Blues Band est ce qui se fait de mieux en matière de psycho boogie blues. Son troisième album devrait atterrir dans les bacs d’ici la fin de l’année.

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Driving Dead Girl

Groupe montois influencé entre autres par le Blues Explosion, les Stooges et Black Flag, Driving Dead Girl a déjà assuré la première partie des Black Keys et du Black Rebel Motorcycle Club. Les Montois ont sorti discrètement à la rentrée 2010 leur deuxième album: Don’t Give a Damn About Bad Reputation. Le disque verra prochainement le jour en France, où les furieux commencent à enchaîner des dates, avec leur premier opus en guise de bonus.

En concert le 1er juin au Café Central, Bruxelles.

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Romano Nervoso

Batteur d’Hulk et des Anges, Giacomo Panarisi s’offre une petite récréation et donne de la voix dans Romano Nervoso. Romano fait dans le rock rital (l’excellent Mangia Spaghetti), le punk à la sauce anglaise (The Feeling), la powerpop à la Weezer (Spanky Wanky) et le stoner des Queens période Songs for the deaf. Les Hennuyers joueront le 15 avril aux Halles de Schaerbeek avec OK Cowboy, Von Durden et Les Panties dans le cadre de la soirée We Want Rock’n’Roll! 5X2 places pour la soirée à gagner dans la rubrique Focus Factory.

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Julien Broquet

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