Critique

Poupoupidou, coup de foudre mortel

© DR

Un écrivain s’éprend d’une Marilyn de province, dans un film où l’humour, le suspense, le réel et l’imaginaire composent un spectacle épatant. Poupoupidou, c’est le premier vrai coup de coeur de 2011, avec une Sophie Quinton à couper le souffle.

2011 n’aura pas mis longtemps à nous offrir un premier coup de coeur, sous la forme du second long métrage de Gérald Hustache-Mathieu. Le réalisateur d’Avril (2006) signe avec Poupoupidou un petit bonheur de film inclassable, surprenant, dégageant de bout en bout un charme des plus séduisants.

Jean-Paul Rouve y interprète David Rousseau, un écrivain, auteur de romans policiers à succès, mais que l’inspiration semble bouder alors que la date de remise à l’éditeur de son prochain bouquin approche à grands pas. Un concours de circonstances amènera le Parisien en Franche-Comté, région rurale et montagneuse de l’est de la France, à deux pas de la Suisse. C’est là que le romancier en panne d’idées apprendra l’existence de Candice Lecoeur, une jeune femme aux allures de Marilyn Monroe dont le physique avantageux agrémente les boîtes et les affiches publicitaires du fromage Belle de Jura. Il est un peu tard, bien sûr, car Candice est morte. Pour la gendarmerie, elle s’est suicidée. Mais David ne croit pas trop à cette version des faits. L’idée du cadavre retrouvé sous la neige, dans un no man’s land aux confins de la Suisse et de la France, le trouble de plus en plus. La personnalité de la disparue le fascine également. L’écrivain de polars s’improvisera enquêteur, jouant au « privé » autoproclamé pour chercher une vérité que d’aucuns ne veulent sans doute pas voir être mise au jour…

Tout comme le lieutenant de police Mark McPherson dans le (somptueux) film d’Otto Preminger Laura, David Rousseau va tomber amoureux d’une morte. Et tout comme celui joué par Dana Andrews dans le film noir de 1944, le personnage campé par Jean-Paul Rouve dans Poupoupidou va ainsi s’attirer bien des ennuis, et voir de très près la frontière du légal et de l’illégal.

Entre Fargo et Twin Peaks

D’autres échos cinématographiques affleurent dans le film de Gérald Hustache-Mathieu. Le Fargo des frères Coen, et l’univers de David Lynch, en particulier celui de la série Twin Peaks. Le cinéaste français a de belles admirations. Il a surtout le talent de les fondre dans une écriture exemplairement fluide, un sens remarquable des lieux des atmosphères, et un art du changement de ton nous faisant passer du drôle au poignant, de l’acide au romantique, et cela d’une scène et parfois même d’une image à l’autre. Il a aussi bien choisi ses acteurs.

À commencer par une Sophie Quinton qui a joué dans tous ses films (deux courts métrages, puis Avril et maintenant Poupoupidou), et à laquelle de nombreux flash-backs donnent l’opportunité de tracer un portrait posthume ô combien émouvant de Candice Lecoeur. Jean-Paul Rouve, lui, emmène son bagage de mec drôle, à qui vont bien le détachement et la dérision, mais qui révèle sous une surface volontiers ironique une sensibilité aussi touchante qu’inattendue. Et puis il y a cette petite musique des coïncidences, annoncée par le titre, et qui rapproche le destin tragique de la Miss Franche-Comté de celui d’une certaine Marilyn Monroe.

Comme en apesanteur, Hustache-Mathieu réussit ce croisement de mélodies vitales trop vite interrompues, de contradictions entre image et personne, de rançon de la renommée, de hiatus entre la beauté, l’innocence, et la dureté d’un monde consommant, dévorant, ce qu’il feint d’adorer.

Poupoupidou, polar de Gérald Hustache-Mathieu, avec Jean-Paul Rouve, Sophie Quinton, Guillaume Gouix. 1h42.

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Louis Danvers

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