Critique | Musique

Daughter – If You Leave

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Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

ROCK | Depuis Londres, un jeune trio anglo-franco-suisse dégoupille des paysages folk blafards. À la tête de Daughter, Elena Tonra et ses humeurs amères. Magnétique.

DAUGHTER, IF YOU LEAVE, DISTRIBUTION 4AD. ***

EN CONCERT LE 04/04, AU BOTANIQUE, BRUXELLES.

Les apparences sont souvent trompeuses. Heureusement, dans le cas de Daughter. Le trio basé à Londres sort un premier album aussi magnétique qu’étouffant, écrit à l’encre noire. En vrai, Elena Tonra, chanteuse et leader du groupe, offre toutefois un visage autrement souriant. Timide, un peu gauche, mais généreux et visiblement sincère.

C’est elle qui est à la base de Daughter. « J’écris des textes et des poèmes depuis que j’ai 12, 13 ans. Mais ce n’est que trois, quatre ans plus tard, quand mon grand frère est parti à l’université en laissant sa guitare à la maison, que j’ai imaginé mettre mes mots en musique. Ce n’était pas trop compliqué: mes textes étaient déjà structurés comme des chansons avec des couplets et des refrains. C’est ma manière naturelle d’écrire. Je n’avais juste pas d’instrument, ni de technique pour en faire de véritables morceaux. » Tonra se lance donc avec les moyens du bord, en apprenant à jouer sur le tas. Naturellement, ses compositions prennent des contours folk. « Mais mes capacités étaient et sont toujours très limitées. J’ai très vite su que j’avais besoin de bosser avec d’autres personnes. » Après les secondaires, elle évite l’unif –« je ne voyais pas trop quoi y faire, je savais que j’allais y perdre mon temps »-, bosse pendant un an, avant de s’inscrire pour une année de cours à l’Institute of contemporary music performance. C’est là qu’elle rencontre d’abord Igor Haefeli, devenu aujourd’hui son compagnon, et Remi Aguilella. Le premier est suisse francophone (il vient de Neuchâtel) et amène des paysages sonores impressionnistes avec sa production et ses guitares parfois proches du post-rock. Le second, français de Clermont-Ferrand, est le batteur, discret, du trio. Haefeli: « On avait pu voir Elena jouer seule en concert et l’effet qu’elle pouvait produire sur son audience. On ne voulait surtout pas briser ça. »

Diamant noir

Tous ont 23 ans et partagent des influences comme Sigur Ros ou Radiohead. Elena Tonra insiste: « Daughter est bien un projet collaboratif. » La jeune femme et ses humeurs souvent sombres restent cependant à la base des morceaux du trio. Sur Youth, l’un des titres les plus forts de l’album, elle chante notamment: « And if you’re still bleeding, you’re the lucky ones/’Cause most of our feelings, they are dead and they are gone », ajoutant encore plus loin « I’ve lost it all, I’m just a silhouette/A lifeless face that you’ll soon forget. » Ambiance… Elle explique: « Il n’est pas tellement question d’ennui que du manque d’émotion que l’on peut parfois ressentir, cette espèce d’atonie qui vous fait sentir comme une coquille vide. Ce sont des phrases qui viennent de loin. L’écriture me permet ça: gratter au plus profond, explorer les côtés les plus sombres. Ce qui me permet de communiquer plus facilement dans la vie au jour le jour, de pouvoir me confronter au monde. » On l’a compris, si Daughter est une pierre précieuse, encore brute parfois, c’est avant tout un diamant noir. Aussi trouble et torturé que fascinant.

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