Laurent Raphaël

Tabac, alcool et sexe, crack dedans!

Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

Par Laurent RAPHAËL

Mais que fait la police? Ce n’est pas encore Sodome et Gomorrhe mais il flotte comme un parfum d’anarchie sur le carré VIP des artistes. Après une période de glaciation où il ne faisait pas bon exhiber une cigarette dans une BD sous peine de se faire… allumer (demandez à Lucky Luke ce qu’il en pense, lui qui a dû troquer sa cibiche contre une brindille sans qu’on lui demande s’il était sujet au rhume des foins), voilà que resurgissent de toutes parts les comportements « déviants ».

On ne se cache plus par exemple pour en griller une (après l’autre) sur les écrans. De Crazy Heart à Mad Men, ça clope à pleins poumons. Jeff Bridges, barde country trimballant son mal de vivre de bowling en bistrot minable, ne lâche pas sa tige, sinon pour biberonner une bouteille de whisky, du McClure de préférence. Un régime pur malt qui ne lui réussit pas trop, le cow-boy gâchant une belle (ultime?) occasion de se remettre en selle côté coeur. Même odeur de tabac et d’alcool fort, sous couvert de mimétisme historique (on est dans les années 60), dans les bureaux de l’agence de pub des Mad Men. Les bouteilles refont leur apparition dans le champ de la caméra. Que ce soit pour en dénoncer les fausses promesses ou pour en vanter les paradis artificiels.

Prenez Boardwalk Empire, la nouvelle série blockbuster qui va nous faire oublier, dit-on, Lost et 24h Chrono. Un casting en or massif, avec brochette de stars et vieux routier derrière la caméra (Scorsese himself), pour une fresque sur la mafia à l’époque de la prohibition. L’alcool comme nerf de la guerre. Un peu comme aujourd’hui.

La littérature aussi cuve son vin et s’envoie en l’air. Avec les experts du vice que sont Bret Easton Ellis ou Michel Houellebecq, mais aussi avec des auteurs comme Haenel ou Liberati, le premier avouant « avoir été ivre une année entière » lors de sa résidence à la Villa Médicis, le second racontant par le menu des soirées crack boum hue… A croire que l’auteur de L’Hyper-Justine a trop fréquenté Breaking Bad et Californication, les deux séries les plus barjes et immorales de la télé américaine. Un prof de chimie qui devient dealer d’amphétamines pour la bonne cause, un écrivain drogué du sexe en panne de bons mots mais pas de bons coups, attention risque de dérapage… pour notre plus grand plaisir.

A côté de l’érotisme soft qui n’a pas déserté le paysage artistique, on assiste à une poussée de sexe plus cru, plus triste. Comme un écho à la misère affective ambiante. Voire du sexe 2.0. L’époque rebat les cartes sentimentales à coups de rencarts numériques. Le cinéma s’en fait l’écho. Comme dans Happy Few, comédie faussement légère qui voit deux couples tenter toutes les combinaisons possibles. Sous ses airs badins, ce film libertin est plus subversif qu’il n’y paraît. Il bat en brèche une certaine idée du couple, monolithique, éternel, inusable. On peut en prendre son parti ou… boire pour oublier.

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