« En secret »: les dessous chics de Sarah Kazemy

© Xinhua

Sarah Kazemy est l’une des héroïne du film « En secret » où elle brille dans le rôle d’une bourgeoise iranienne aux moeurs libérées dans un Iran sourd aux désirs de la jeunesse. Elle était présente le 24 janvier au festival du film qui dérange (RAMDAM) à Tournai pour se confronter à un vif débat avec les spectateurs.

La réalisatrice américano-iranienne Maryam Keshavarz scande le désir de liberté d’une jeunesse muselée. Avec son film En secret, elle décide d’en découdre avec l’Iran et crache langoureusement son venin sur ce régime répressif. Le film réunit deux amies, Atafeh et Shireen, issues de la bourgeoisie progressiste de Téhéran. Elles décident de braver les interdits, retirant leurs voiles en public, s’embrassant, sortant la nuit sans escorte pour explorer un univers souterrain où se rassemble illégalement la jeunesse d’Iran. Sous les traits de Shireen se cache Sarah Kazemy, une franco-iranienne tout aussi libérée et subversive qui affectionne les polémiques. Elle a d’ailleurs répondu présente à une invitation du festival RAMDAM à Tournai pour se confronter à un débat vivace avec le public.

En bon film dérangeant qui se respecte, En secret aborde une rafale de tabous tels que la drogue ou la sexualité qu’a violemment rejetées l’Iran. L’équipe de tournage et les comédiens n’a pas pu filmer en Iran et y est interdite de séjour à vie.

Un bannissement qui en vaut la chandelle?

En secret a donc pour toile de fond le Liban de Beyrouth, aux paysages et à l’architecture étrangement ressemblants à l’Iran selon Sarah Kazemy. Mais les autorisations de tournage n’ont pas été délivrées sans mal. L’équipe a dû jouer de ruses en maquillant le scénario et en utilisant l’anglais. La pression d’une arrivée brutale de la police planait sur eux. Sarah Kazemy se remémore aujourd’hui, d’anecdotes sulfureuses où l’équipe était sur le fil du rasoir: « J’en parle aujourd’hui en riant mais lorsque la police a débarqué lors de scènes embarrassantes, nous étions livides. Obligés d’inventer spontanément une scène sérieuse en anglais alors que nous étions en pleine simulation d’orgasmes (rires) ». Elle fait allusion à une scène mythique du film où les deux amies et deux jeunes hommes s’amusent à doubler Harvey Milk, film rendant hommage à une icône gay américaine.

Un spectateur iranien l’interpelle sur la pertinence de traiter de l’Iran dans un autre pays. Sarah rétorque que ça n’entache en rien le message du film, l’important est qu’il se déroule dans un environnement répressif. En effet, En secret n’a rien d’un documentaire sur l’Iran. C’est une vision tronquée et subversive mais qui comprend sa part non négligeable de vérité. Pourtant, peu de pays bouillonnent de culture comme l’Iran. Elle est souterraine, underground et se cache des jumelles par lesquelles les épie la République islamique répressive. Celle qui a déjà condamné le désormais célèbre Persépolis de Marjane Satrapi. D’ailleurs, En secret ne sortira probablement jamais sur grand écran en Iran mais a déjà pénétré le marché noir. Sarah Kazemy s’extasie sur les commentaires optimistes parvenus des jeunes iraniens: « ils sont ravis qu’on s’intéresse à eux hors de leurs frontières, ça ravive leurs espoirs ».

L’homosexualité et l’Islam

En secret c’est aussi deux femmes qui s’aiment à la faveur de l’obscurité. Quelques scènes nous dévoilent cette complicité sensuelle consommée, sans céder au voyeurisme. Sarah Kazemy affirme que « le film est moins l’histoire d’une tension amoureuse entre deux femmes, qu’une complicité amoureuse favorisée par l’atmosphère répressive qui les environne. Elles y sont farouchement opposées et flirtent entre les rives de l’amour et de l’amitié ».

La question de la religion brûle aussi les lèvres des spectateurs. L’Islam n’est présent qu’à travers la figure du frère de Shireen que l’on devine être un ancien junkie repenti. D’abord il semble que l’Islam l’a guéri de ses turpitudes. Sarah Kazemy réfute en dénonçant une instrumentalisation de l’Islam de la part du frère. Ce stratège officie aux côtés de la police des moeurs qui aura raison des désirs de liberté de sa soeur et son amie. L’actrice est convaincue qu’« où que l’on soit, du Nord au Sud, la jeunesse exprime les mêmes désirs de liberté et de braver les interdits ».

Astrid Thins (stg)

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