Critique | Musique

L’album de la semaine: Chick Corea – Solo Piano: Portraits

Chick Corea © DR
Philippe Elhem
Philippe Elhem Journaliste jazz

JAZZ | Superstar du jazz, le pianiste est aussi une mémoire vivante de son instrument, comme le démontre cet album capté lors d’une tournée qui passa par Bruxelles…

L'album de la semaine: Chick Corea - Solo Piano: Portraits
© DR

Armando « Chick » Corea fait ses débuts professionnels en 1962 aux côtés de Mongo Santamaria et Willie Bobo. On le retrouve deux ans plus tard chez le trompettiste Blue Mitchell, le flûtiste Herbie Mann puis le saxophoniste Stan Getz. Bien qu’ayant enregistré sous son nom dès 1966, il devra attendre de succéder en 1968 à Herbie Hancock dans le combo de Miles Davis (le fameux « Lost Quintet ») pour être reconnu comme un musicien de premier plan. Devenu l’une des figures centrales du premier groupe de jazz rock de l’Histoire après que le trompettiste, adoptant les rythmes binaires du rock, décida d’électrifier définitivement sa formation, il n’en tournera pas moins l’espace d’un moment le dos à cette révolution avec Circle (un formidable quartette acoustique formé de Dave Holland, Barry Altschul et Anthony Braxton) avant de créer Return To Forever et s’inscrire dans la mouvance de Miles. Chick Corea ne cessera, par la suite, de multiplier les expériences musicales les plus diverses comme ce disque en apporte à nouveau la preuve.

Aucune information n’indique quand fut enregistré (en principe 2008) ce double CD -par contre, sa dédicace à Ron L. Hubbard figure, elle, en bonne place-, les lieux étant, pour leur part, multiples. Comme il le précise en ouvrant ce concert où il s’adresse à un public francophone (« I’m sorry, I don’t speak french » s’excuse-t-il), Chick Corea s’est rarement produit en solo avant de se lancer dans une improvisation d’où naîtra How Deep Is the Ocean, l’essentiel du programme figurant sur le premier des deux disques de l’album étant consacré aux grands pianistes de l’Histoire du jazz, ceux du moins qui ont eu une influence prépondérante sur lui. Bill Evans vient en premier (avec Waltz For Debby), suivi par trois titres de Monk (Round Midnight, Pannonica et Blue Monk) traités sous forme de medley puis deux de Bud Powell (Dusk in Sandi et Oblivion), entrecoupés, avec Pastime Paradise, d’un hommage à Stevie Wonder, chaque musicien étant introduit par une rapide présentation (de Monk, il dira « l’un des plus grands compositeurs de tous les temps avec Duke Ellington et Mozart ») ou une anecdote. Ce disque se clôt sur un titre du pianiste créé à l’origine en duo avec Paco De Lucia (The Yellow Nimbus) auquel il rend un hommage qui prend un sens particulier aujourd’hui après le décès du guitariste espagnol. Le second CD nous fait découvrir, après Chick le conteur, Corea le pédagogue. Le pianiste déserte ici le jazz pour nous plonger dans une toute autre Histoire du piano à travers deux grandes figures de la musique savante occidentale qui ont joué un rôle important dans sa vie de musicien: Scriabine (dont il joue les Préludes 2 et 3 opus 11) et Bartók (il interprète ses quatre premières Bagatelles) avec un respect absolu de la partition. La suite du disque est consacrée à neuf de ses délicieuses Children Songs (un concept qui renvoie de nouveau au musicien hongrois). Il terminera en « dessinant » le portrait musical de quelques spectateurs invités à monter sur scène, ces pièces étant baptisées du nom de la ville où elles ont été improvisées –Cracovie, Casablanca, Easton (Maryland) et Vilnius– pour une suite de miniatures qui renvoient encore aux maîtres précités, tous genres confondus cette fois.

  • JAZZ. STRECHT RECORDS/ CONCORD JAZZ (UNIVERSAL).

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content