Critique

Colorful

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ANIMATION | Keiichi Hara signe une fascinante chronique animée du Japon contemporain à travers le destin d’un esprit investissant le corps d’un adolescent suicidé.

COLORFUL, FILM D’ANIMATION DE KEIICHI HARA. 2H06. SORTIE: 20/06. ****

Dans l’antichambre grisâtre de la mort, des âmes attendent, placides, avant d’embarquer pour un voyage sans retour. L’une d’elles, pourtant, se voit offrir une seconde chance: Pura Pura, son ange, lui propose en effet de revenir sur terre et de renaître dans le corps d’un adolescent venant de faire une tentative de suicide. Si l’esprit, considérant avoir fait le tour de la question terrestre, se fait certes quelque peu prier, le voilà néanmoins qui s’exécute. Et de se réincarner dans le corps de Matoko, dont il va lui falloir arpenter l’existence dans ses aspects les plus anodins comme dans ses recoins les plus secrets.

La solitude sur tous les modes

Adapté d’un roman à succès de Eto Mori, Colorful est assurément un film d’animation peu banal. Avec la métempsycose en toile de fond, Keiichi Hara, réalisateur remarqué à la faveur de Un été avec Coo, y écrit la chronique douce-amère du Japon contemporain, en même temps que d’un spleen adolescent exacerbé. Dépeint avec une minutie que souligne encore la précision du trait, hyperréaliste et épuré, le quotidien de Matoko décline la solitude sur tous les modes, que ce soit au coeur d’une famille l’aimant sans vraiment le comprendre -a fortiori, dès lors que son réveil s’est accompagné d’un profond changement, et pour cause-, ou au sein d’une école ne présentant d’autre horizon apparent que désespérément terne.

Mais s’il brasse des thèmes aussi lourds que le suicide et la prostitution adolescents, ou cette forme de dépression larvée qui semble frapper chaque être, Colorful s’emploie pourtant aussi à justifier son titre. C’est là le paradoxe séduisant d’un film lumineux qui s’affirme comme une ode à la vie, sans céder pour autant ni à la mièvrerie ni à la facilité, Hara procédant par touches aussi subtiles que sensibles. De fait, cette étonnante chronique adolescente et familiale n’est pas sans évoquer, par certains aspects, le pendant animé au cinéma d’un Kore-eda; et jusque dans sa façon d’exalter les valeurs simples et les moments creux de l’existence, comme de tirer des choses les plus banales matière à enchantement.

Si le film, bercé par un rythme quelque peu indolent, ne fait sans doute pas l’économie de certaines longueurs, l’humanité s’y diffuse in fine avec bonheur, assortie d’une forme de mélancolie douce par laquelle on se laisse délicatement absorber pour ne plus s’en lasser.

Récompensé du festival de Annecy à Anima, c’est là un anime de haut vol.

Jean-François Pluijgers

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